TGVmax, des avantages

Grève : à quoi joue la SNCF ?

Le plan d'économies commence déjà

Durant l'été dernier, je racontais sur ce site mon histoire d’amour avec l’abonnement TGVmax, proposé par la SNCF aux jeunes de moins de 28 ans. Contre 79 euros par mois Image d'illustration TGVmax expliqué à mon copain, partie 2 L’heure est venue d’expliquer enfin les principes de mon abonnement à mon copain. TGVmax, un max de trains… sous condition. , cet abonnement me permet de prendre les TGV et Intercités à réservation obligatoire, gratuitement, dans la limite de places disponibles sur une majorité de trains chaque jour. Évidemment, un tel abonnement a des contraintes Image d'illustration TGVmax, des avantages Café illimité, programme Voyageur… l’abonnement TGVmax, ce n’est pas que des trains, mais aussi des avantages. Et des inconvénients… , relativement nombreuses, qui font qu’il n’est réellement utile que pour une certaine catégorie de personnes, des jeunes aux horaires flexibles ne devant pas faire la navette tous les jours… Une catégorie qui me correspond : cet abonnement m’est utile depuis déjà un an et demi — quoique moins depuis la rentrée — où j’ai notamment souvent fait le trajet Bordeaux – Lyon une fois par mois, qui me serait revenu à plus d’une centaine d’euros sinon.

Pour les usagers, cet abonnement est une possibilité inouïe de voyages, de découvertes, et surtout de flexibilité pour ses trajets, à un âge où on peut se permettre des trajets plaisir pour les vacances ou les week-ends. Il suffit de voir les tarifs exagérés des trains en heures de pointe, qui peuvent pointer jusqu'à plus de 120 euros pour du Bordeaux – Paris, pour se rendre compte de l'utilité Image d'illustration TGVmax, est-ce intéressant ? 79 euros par mois pour des trains en illimité, l’abonnement TGVmax fait rêver. Mais tout le monde ne peut en profiter. de cet abonnement, même pour un seul aller-retour par mois…
Pour la SNCF, cet abonnement est une petite manne financière (plus de 100 000 abonnés en 2019 payaient près de 1 000 euros par an pour celui-ci), un moyen de remplir ses trains en heures creuses — les places gratuites ne sont en effet disponibles que sur des trains qui ne sont pas déjà bien remplis —, ainsi qu’une méthode pour fidéliser des usagers vers le train, qui se seraient tournés vers des trajets en covoiturage ou en bus sinon. Bref, une histoire d’amour réciproque, qui a tout pour marcher (et bien c’est pour ça que l’offre existe).

… encore faut-il que tout le monde joue le jeu. Les règles sont pourtant claires, et édictées dans les CGV de l’abonnement. Mais en période de grève, tout le monde peut tout se permettre visiblement. Sauf que la force est du côté de la SNCF.

La gare de Bordeaux Saint-Jean, lors des perturbations dues au droit de retrait massif des cheminots, le 19 octobre 2019.

La gare de Bordeaux Saint-Jean, lors des perturbations dues au droit de retrait massif des cheminots, le 19 octobre 2019.

Moins de trains, donc moins de TGVmax

Les faits sont là : depuis le 4 décembre à 19 h, date de début de la grève contre la réforme des retraites Image d'illustration La vie malgré la grève 5 décembre 2019 : on attendait le chaos. À Bordeaux, les étudiants ont fait avec. Chronique d’une journée presque ordinaire. , le nombre de trains en circulation a drastiquement diminué. Le 5 décembre, premier jour plein de celle-ci, seul un TGV sur dix circulait, quasiment aucun Intercités, et aucun train régional, remplacés par des bus. Pendant plusieurs semaines, le système ferroviaire tournait au ralenti, voire à l’arrêt dans certaines régions. Après vingt jours de grève, la situation a commencé peu à peu à revenir, en raison des vacances, puis du retrait de certains syndicats (l'UNSA notamment) pour les fêtes, puis du manque d’argent sur les paies des cheminotes et des cheminots qui commençait à se faire sentir. Conclusion : après plus d’une quarantaine de journées de grève, le trafic est redevenu normal, même s’il va certainement repasser au rouge, de manière sporadique, les journées d’appels à manifestation.

La conséquence immédiate pour les abonnés est la même que pour tout un chacun : une grande partie des trains ont été supprimés durant le mois de décembre, parfois sans aucun remplacement, notamment concernant les lignes Intercités ou intersecteurs. Pour les abonnés TGVmax, la peine est double, car les trains alors ouverts à la circulation ne contiennent d’abord pas de places gratuites… pour en laisser pour les nombreuses personnes qui pourraient se déporter sur les seuls TGV disponibles de la journée. Puis, une fois la grève entamée, il est tout aussi difficile de trouver des places gratuites, la SNCF ne souhaitant légitimement pas promettre à des usagers une place si le train serait supprimé…

Changer les règles en plein milieu du conflit

Pour éviter de laisser à quai des usagers, et comme la réglementation l’impose dans le cadre de trains à réservation obligatoire, la SNCF permet aux Maxplorateurs (le nom donné par celle-ci pour les abonnés TGVmax) de prendre n’importe quel train faisant le même trajet dans la journée.

Si cette annulation est imputable à SNCF Mobilités en sa qualité de transporteur, SNCF Mobilités pourra proposer à l’Abonné de voyager à bord d’un autre train (Train éligible ou train non éligible), circulant à des dates et/ou heures différentes. En tout état de cause, l’Abonné pourra bénéficier des conditions de compensation décrites à l’article 15.2 des présentes Conditions Générales.
CGV TGVmax

La règle implicite, qui existe depuis le début de l’abonnement et est annoncée aux usagers, est généralement qu’un Maxplorateur peut prendre le train suivant qui effectue le même trajet, peu importe qu’il soit un TER, un TGV ou un Intercités, et ce sans avoir à échanger son billet (ce qui n’est de toute façon pas possible). Une règle m’ayant encore été confirmée il y a quelques mois par la SNCF. C’est ainsi notamment que lors des inondations dans l’Aude, en 2018 puis en 2019, et alors que mes Intercités Bordeaux – Marseille étaient supprimés, je pouvais prendre sans problème le TER Bordeaux – Agen pour le même trajet.

La règle aurait donc dû être la même ce mois-ci. Nenni.

À la place, un mêli-mêlo de règles, qui se contredisent toutes, parfois en même temps, selon les supports et les cheminots à qui on demande. Florilège :

La signature d'un mail d'annonce de suppression de train, indiquant que les abonnés TGVmax doivent prendre une seconde réservation.
Capture d'écran du site internet SNCF, qui indique que les usagers TGVmax peuvent prendre le train suivant dans la journée.

À en comprendre la SNCF, qui l’annonce même clairement sur Twitter, la liberté qui prévalait jusqu’alors pour les abonnés a été supprimée au profit d’une restriction totale, pour des arguments de sécurité. Le tout sans communication spécifique aux abonnés TGVmax, qui se retrouvent donc avec des éléments totalement divergents, sans réelle cohésion.

On peut comprendre les éléments de sécurité, la SNCF ayant renforcé pour le coup durant le mois de décembre ses contrôles aux portes d’embarquement, en refusant parfois toute personne n’ayant pas préalablement fait échanger son billet. Néanmoins, cela n’est pas la seule raison : on aurait tout à fait pu imaginer laisser les abonnés TGVmax échanger leur billet via Internet, comme cela se fait naturellement en situation perturbée pour les personnes payant leurs billets, ou quelques fois même pour les Maxplorateurs. Il n’en est rien : au Maxplorateur de reprendre un billet TGVmax (s’il en trouve), ou de payer un billet… sans qu’il ne lui soit remboursé, cette fois-ci.

Au fond, on revient au comportement habituel de l’abonnement : voyagez si vous trouvez un billet, payez sinon. Il serait donc tentant de dire que les abonnés auraient pu très bien voyager sans problèmes, la SNCF affichant même dans ses Tweets sur le trafic, la mise à disposition de places TGVmax lorsque les trains sont disponibles.
On assiste cependant là à une dégradation très notable du service rendu par la SNCF à ses abonnés, qui flirte avec l’illégalité. En effet, une fois le billet en poche, la SNCF, exploitant ferroviaire, est tenue de satisfaire le contrat de transport établi, c’est-à-dire le voyage, et d’acheminer la personne à sa destination. Dans le cas contraire, en cas d’impossibilité de l’acheminer, elle se doit de l’indemniser. Ici, la SNCF choisit de faire l’autruche, ne se conformant ainsi pas à ses propres CGV, laissant ainsi les abonnés chez eux en pleine période de décembre. Un changement de politique qui n’est pas du tout au goût de tout le monde

Personnellement, je n’ai été que peu impacté par ce souci. Les cheminots des gares de province étant plus cléments que la direction nationale, il m’a été autorisé de monter dans des TER (enfin, quand il y en avait…) pour compenser la suppression de tous les Intercités, et d’une majorité des TGV joignant Toulouse. Cela ne s’est toutefois pas fait sans douleurs, notamment en raison de l’absence souvent de trains TER, remplacés par des cars durant les premières semaines du conflit… ou car mon train supprimé était le dernier. Ce qui oblige, dans ce cas et suivant la tradition originelle, à reprendre un billet gratuit pour le lendemain.
En termes de disponibilités TGVmax, il a été difficile d’obtenir des places une fois la grève commencée. Fort heureusement, j’avais déjà prévu le coup sur les trois premières semaines de décembre (jusqu’aux vacances!) en prenant mes billets avant le conflit, ce qui m’a assuré de prendre un train. Mais par la suite… impossible de trouver un billet pour les jours à venir tant que les trains n'étaient pas confirmés. La SNCF ne voulant (logiquement) pas se mouiller, les abonnés ont donc dû faire avec, sans garantie de pouvoir voyager… même si les places se libéraient effectivement l’avant-veille généralement du trajet*. Pour faire court : la SNCF ouvrait les disponibilités TGVmax à la confirmation de la circulation du train, en suivant les quotas normaux.

Des bons d’achat, en veux-tu en voilà

La règle est (je pense) bien connue des Maxplorateurs : en cas de retard, peu importe sa durée tant qu’il est au moins égal à 30 minutes, l’abonné TGVmax a droit à cinq euros de compensation en bon d’achat digital SNCF, heureusement non nominatif. Pas moins, pas plus (enfin, normalement). La chose un peu moins connue est que cette indemnisation s’applique également naturellement aux trains supprimés, selon la même réglementation européenne, et comme prévu dans les CGV.

C’est ainsi que j’ai demandé de nombreuses fois ce bon, à chaque train supprimé que j’avais réservé, quand bien même je prenais le TER suivant gratuitement — ce qui est logique, arrivant alors avec bien plus de trente minutes de retard. Une triche connue par certains en situation perturbée, peut être de profiter de ces temps-ci pour réserver à la guise des trains dont on est sûr qu’ils ne rouleront pas (comme les Intercités de nuit, par exemple). Une astuce déloyale, et n’a pas pu marcher à grande échelle cette fois-ci, les places TGVmax étant comme dit plus haut bloquées avant confirmation du train.

Quelle ne fut pas ma surprise par contre, quand j’ai découvert que certaines fois, le bon d’achat reçu automatiquement… était d’une valeur de 70 €, et non cinq ! Une anomalie vite repérée sur le groupe de discussion Facebook TGV Max community, où certains se demandaient pourquoi ils avaient reçu des bons de 70 voire 80 euros pour un trajet supprimé.

Capture d'écran d'un mail contenant un bon d'achat de 70 euros à valoir pour des billets de train de la SNCF.

Surtout, j’ai obtenu deux bons de 70 euros… pour des Bordeaux – Agen supprimés, des trajets qui ne coûtent généralement qu’une vingtaine d’euros ! La combine pour obtenir ces bons ayant été vite partagée — il fallait passer par le formulaire de réclamation, ou chatbot, et non par le classique formulaire G30 (qui ne marche pas souvent pour les trains supprimés!) pour les obtenir —, certains Maxplorateurs ont pu en profiter (une personne revendiquant même d’en avoir obtenu quatre!), jouant ainsi avec une erreur de la SNCF.

L’erreur vient en effet probablement de la volonté de traiter rapidement les réclamations venant des usagers, souhaitant se faire rembourser leurs billets. Dans la précipitation, afin de soulager les colères et d'éviter un trop gros flot de réclamations, la SNCF proposait en premier lieu des bons d’achat de 80 € puis 70 €, peu importe le trajet ou le choix du client entre bon d’achat et virement, aux personnes dont le train s’est avéré être supprimé. Ce bon suffit déjà pour beaucoup, et ce n’est qu’en cas de relance de la part de l’usager que le dossier était alors suivi intégralement, notamment pour un remboursement monétaire intégral des billets. Le souci, c’est que la SNCF ne faisant alors pas de distinguo entre Maxplorateurs et personnes lambdas… les premiers se sont donc retrouvés avec les mêmes bons que les seconds, remboursant presque intégralement un mois d’abonnement en un bon !

Cette bévue a été corrigée depuis, mais nombreux sont ceux qui ont pu en profiter durant ces dernières semaines, ce qui pose une grande problématique d'équité entre les abonnés : d’un côté, ceux qui s’entraident et suivent les astuces communautaires ont pu en quelque sorte se faire rembourser leur abonnement… tandis que l’immense majorité des Maxplorateurs se retrouve avec 40 euros en tout et pour tout, comme compensation de ce mois et demi de grève. Quoi de plus normal, malheureusement, lorsqu’un abonnement regroupe plus de cent milles personnes…

40 euros, sérieusement ?

Les usagers, faudrait-il clients, de la SNCF, qui paient près de 1 000 euros par an pour leurs trains, ont tout de même le droit de s'étonner du manque de considération qui leur est prêté. Comme compensation pour l’indisponibilité des trains durant la grève, la SNCF a promis de rembourser… 40 euros aux abonnés, en réduisant de moitié leur mensualité de février*. Même chose pour les abonnés iDTGVmax2, dont la mensualité de février sera de 32 € 50, et non 65 €. Traitement similaire pour les abonnés TGV (qui paient eux beaucoup plus cher), qui voient leur mensualité de février réduite de moitié. Avec là encore un couac de communication : à la presse, la SNCF annonce que les 50 % de réduction sont un minimum, qui variera selon les clients… pour finalement se rétracter quelques jours plus tard.

40 euros, est-ce suffisant ? Sur les réseaux, de nombreux Maxplorateurs aiment à rappeler les fruits d’une pétition concernant la précédente grève. Durant la grève perlée ayant frappé la circulation des trains en avril, mai et juin 2018, la SNCF avait compati et remboursé une mensualité complète (celle d’avril) aux abonnés TGVmax. Sauf qu’elle avait en même temps coupé l’intégralité des abonnements pendant plusieurs semaines, pour ainsi laisser le plus de places aux personnes achetant des billets !

La mesure avait duré jusqu'à la mi-avril, empêchant donc pendant trois semaines toute réservation TGVmax.

La SNCF se décharge en annonçant que ce calcul de 50 % de réduction correspond à une réduction de l’offre de 50 % au niveau national. Il est vrai que, s’agissant d’un abonnement national, difficile de pouvoir regarder un ratio de trains disponibles au niveau local pour 100 000 personnes. Reste que cela a touché le quotidien individuel d’abonnés : les Toulousains n’ont quasiment vu aucun train disponible ; pire pour les personnes desservies par des intersecteurs ou des trains de nuit, toujours supprimés en premier. Durant les inondations, la SNCF avait proposé à des Maxplorateurs montpellierains de suspendre leur abonnement sans frais le temps de la reconstruction de la ligne sétoise… Pourquoi pas maintenant ?

Surtout, ce remboursement de 50 % fait tâche comparé au remboursement intégral que vont obtenir les usagers des TER dans toutes les régions, quelque soit la ligne. Pourtant, là aussi les disparités ont été grandes, entre les usagers de lignes périurbaines qui ont été touchés mais ont revu des trains au bout de deux semaines, et ceux des lignes de « desserte fine du territoire » qui pour certaines peinent encore aujourd’hui à revoir passer des trains ! Au niveau national, la donne était certes moindre que pour les trains grandes lignes, mais le pouvoir de réservation, si on peut l’appeler ainsi, des usagers s’est retrouvé similaire…

Il y a fort à parier que ce remboursement partiel, qui satisfait déjà un grand nombre, ne soit que la conséquence de ces multiples constatations et erreurs : d’un côté, une SNCF qui tente de laisser des places disponibles mais a été prise au dépourvu par la grève ; de l’autre, un système d’indemnisation train par train dont a pu profiter une petite partie de la clientèle.

Encore une fois, la communication n’a pas été au fort de l’abonnement, point noir qui s’est révélé en 2019 avec les multiples incompréhensions entre usagers, cheminots, service client et direction nationale, sur de nombreux éléments de l’abonnment, changés du jour au lendemain sans prévenir (suppression de la réduction au bar, des places couchettes en Intercités de nuit). Alors qu’en 2017, les abonnés TGVmax étaient presque chouchoutés par les services, ils sont désormais oubliés, et le service et les relations client se dégradent. Il y aurait pourtant peu de chose à faire ! Dans ce cas présent, on aurait pu annoncer d’emblée la réduction des places TGVmax pour ce mois de décembre, et le remboursement de l’abonnement d’avance, tout en laissant aux usagers profiter de la souplesse d’accès dont ils ont droit. Il aurait été agréable de considérer les usagers ligne par ligne, ou de les prévenir à l’avance. Il n’en a rien été, et la seule communication officielle à destination de tous les abonnés aura été le mail d’annonce de remboursement partiel, envoyé ce jeudi.

Mon vœu pour 2020 est de retrouver des relations agréables entre la société ferroviaire et ses usagers, ce qui passe par plus de transparence, quand ça va bien mais également quand ça va mal, et plus de considération pour ses clients. Même si avec la transformation en Société Anonyme, la question de la dette et l’ouverture à la concurrence à venir… ce n’est pas gagné. Au moins, on ne perd rien à espérer. 🚋

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