TGVmax expliqué à mon copain, partie 1

TGVmax expliqué à mon copain, partie 2

Grandes lignes et principes de TGVmax

Depuis mercredi, je suis dans un traintrip de trois semaines, vadrouillant en France et ailleurs, de Agen à Lyon, entre Nice et Paris, Marseille et Genève. En tout, une dizaine de trains pris jusqu'à l’Assomption, avec des itinéraires parfois alambiqués, me faisant remonter à Paris après plusieurs jours à Lausanne (Suisse) pour prendre le train de nuit direction Crest. Tout ceci grâce à TGVmax, qui m’a notamment permis de découvrir ce qui me sert actuellement de copain au détour d’un week-end d’hiver. Désormais, je vais voir ce dernier très régulièrement en train, alors que nous sommes distants de près de 400 kilomètres à vol d’oiseau, plus de 1 000 via les rails. Mais derrière la façade illimitée de l’abonnement se cache des contraintes. En ayant marre de répéter les conditions de mon abonnement à chaque fois que je vais chez lui (je plaisante… un peu), je me suis mis en tête d’expliquer, une bonne fois pour toutes, à mon copain (et aux vôtres!), les tenants et les aboutissants de cet abonnement.

Après l’histoire, raconté dans l'épisode précédent, nous voilà maintenant, en 2019, et les deux abonnements subsistent. Étant pratiquement similaires, et les quotas TGVmax & iDTGVmax2 étant probablement communs, je ne parlerai donc que de TGVmax (mon abonnement), le second n'étant de toute façon pas accessible au public. Pour information, TGVmax en 2019, c’est 110 000 clients, auxquels s’ajoutent 3 500 usagers d’iDTGVmax2 ayant encore conservé leur abonnement.

L’illimité, mais limité

Commençons par les basiques, donc : TGVmax est un abonnement de train SNCF, réservé aux 16-27 ans, permettant de voyager de manière illimitée sur tous les TGV de France et Intercités à réservation obligatoire, dans la limite des places réservées disponibles. Tout se joue dans les nuances.

Ainsi, et premièrement, TGVmax ne permet de voyager que sur le réseau TGV en France, le TGV Paris – Luxembourg, et quelques Intercités : Bordeaux – Marseille, Paris – Limoges – Toulouse, Paris – Clermont-Ferrand. Soit près de deux cents destinations.

Le réseau TGVmax depuis Paris, en janvier 2017, au lancement de l'offre. Certaines destinations ont disparu depuis.

Le réseau TGVmax depuis Paris, en janvier 2017, au lancement de l'offre. Certaines destinations ont disparu depuis. · via Chloé Woitier

Hors de question de voyager sur le réseau TER, ou les Intercités à réservation non obligatoire (qui de toute façon disparaissent peu à peu…* Dans le cadre des nouveaux contrats entre la SNCF et l'État, celle-ci donne peu à peu ses liaisons Intercités aux régions, qui les transforment en TER (ou équivalent), comme la liaison Paris – Orléans devenue REMI express, au grand dam des usagers avec des cartes nationales… ). Ainsi, gare à ceux qui voudraient utiliser l’abonnement sur des petites distances ! Tout le monde n’a pas un réseau Grandes lignes à proximité : les Normands vous le diront…

Il sera également impossible d’accéder à l'étranger avec votre abonnement sans payer. Certes, les TGV Lyria (trains franco-suisses) sont ouverts à l’abonnement, mais jusqu'à Bellegarde-sur-Valserine uniquement, dernière gare française avant Genève Cornavin. Pour rejoindre cette dernière, il faudra alors prendre un billet de TER payant… Seule exception : les TGV vers le Luxembourg, mais au départ de Paris uniquement.

Deuxièmement, l’abonnement ne permet pas de réserver tous les TGV en même temps. Trois grandes contraintes évitent d’abuser du système :

Une fois ces règles comprises, il devient simple de comprendre l’abonnement et de planifier ses trajets. Pour un Bordeaux – Nice, via Marseille Saint-Charles, il faudra nécessairement prendre deux trajets par aller, ne permettant pas de réserver plus d’un aller-retour en même temps.

Les quotas de la discorde

Mais la plus grande restriction sur l’illimité vient de la « limite de places réservées disponibles ». Cette dernière n’est pas publique, et varie en fonction des horaires, de la période, du taux de remplissage du train à J-30, etc… Les yielders, les personnes chargées à la SNCF de gérer les tarifs des trains au fur et à mesure de leur remplissage, peuvent ainsi injecter plus ou moins de places gratuites dans le train… voire aucune. Et cela arrive souvent.

Pour comprendre cela, il faut chercher le point de rentabilité de l’abonnement TGVmax. Contre 79 euros par mois, un usager peut théoriquement prendre un nombre illimité de places de trains, qui coûteraient à J-30 parfois une centaine d’euros. L’intérêt de l’abonnement pour la SNCF est d’augmenter le taux de remplissage du train, sans que les places prises par les TGVmax puissent être vendues plus chères. En clair, et comme expliqué dans cet article du Figaro, le quota de places TGVmax est la variable d’ajustement du remplissage du train. Toute la rentabilité de l’opération pour la SNCF est d’avoir suffisamment de places TGVmax pour que l’abonnement soit intéressant (cela fait tout de même une manne de près de cent millions d’euros de chiffre d’affaires par an…), sans compromettre le système tarifaire global du train. En clair : l’abonnement SNCF ne doit pas être un passe-droit pour ne pas payer ses trains plein tarif le cas échéant.

Ainsi, un train bien rempli à J-30 n’aura aucune place TGVmax réservée, car il sera très probablement plein grâce aux nombreux titres de transports vendus plein pot à la dernière minute. A contrario, les trains de milieu de journée, en milieu de semaine, partent souvent avec même pas la moitié du train rempli : là, on pourra injecter de nombreuses places TGVmax, car cela ne remplira pas le train même avec des billets de dernière minute. C’est ainsi que se justifie le manque de places TGVmax observées aux alentours des week-ends : il suffit de voir qu’un Paris – Lyon du vendredi soir est vendu 97 euros trente jours avant, pour comprendre qu’aucune place TGVmax ne sera probablement attribuée, la SNCF gagnant plus d’argent avec ces billets qu’avec l’abonnement. C’est la fameuse « période de forte affluence » chère aux explications de la SNCF sur Twitter : pour elle, le vendredi, le week-end, le lundi, mais également l'été, la rentrée ou les congés universitaires sont des périodes de forte affluence, qui légitiment le manque de trains TGVmax. Et poussent les abonnés à ne pas partir… ou à prendre des billets, plein tarif. Abonnement TGVmax + billets à taux plein = un max de profits. Tout est dans la nuance !

« Un abonné TGV Max qui ne trouve pas de place est généralement plus enclin à acheter un billet TGV plutôt que de se tourner vers le covoiturage ou les cars Macron. » — via Le Figaro

Néanmoins, ces quotas sont également soumis à d’autres éléments que le remplissage du train… comme la volonté de l’entreprise de mettre des places. Ainsi, les places en couchette dans les trains de nuit ont disparu, le service Intercités (interne à la SNCF) ne souhaitant probablement plus dépenser en éléments de conforts propres aux trains de nuit (bouchons d’oreille, etc.) pour des abonnés payant 0 euro leur billet. Logique, oui, mais un énième changement fait dans le dos de l’usager. Je reparlerai des trains de nuit dans un prochain article.
Certains parlent même d’une volonté récente de réduire le nombre d’abonnés TGVmax (110 000, alors que 100 000 maximum seraient espérés) en poussant les gens à la résiliation, d’où un manque de places criant… ou des règles plus dures.

Ta carte d’identité tu auras, ou TGVmax tu perdras

La règle d’or des Maxplorateurs, qu’il faudrait encadrer dans toutes les têtes : tout abonné TGVmax doit avoir une pièce d’identité sur lui. TOUJOURS !

Bon, certes, cela devrait théoriquement être le cas de tous les usagers des Grandes Lignes désormais* Depuis la loi Savary promulgée en 2016, la SNCF peut contraindre les usagers à avoir une pièce d’identité dans ses trains. Ce qu’elle oblige depuis le 9 mai dernier, avec la systématisation du e-billet, réimprimable à l’envi. , mais la demande de présentation d’une pièce d’identité est systématique pour les abonnés TGVmax, lors des contrôles de billets, mais aussi parfois lors du passage sous les portes d’embarquement dans les grandes gares. Et ce, afin d'éviter que certains contournent le système pour offrir à leurs amis des billets gratuits…

Néanmoins, la SNCF fait un peu de zèle dessus, et oblige à avoir la pièce d’identité physique tout en limitant les pièces valables. Ainsi, hors de question d’avoir une photocopie de sa carte, même si l’usager est parfaitement reconnaissable, cela afin d'éviter très probablement des montages. Mais surtout, le permis de conduire n’est pas une pièce valide : seuls sont autorisés la carte d’identité (français ou d’un pays de l’UE), le passeport, ou pour les quelques chanceux, la carte vitale italienne, la tessera sanitaria.

Et gare à ceux qui l’oublient. Jusqu’en 2018, les usagers s’en sortaient avec une amende pour « absence de titre de transport », fraude donc, qui est du plein tarif sur la longueur maximale du train + 50 euros, jusqu'à 375 euros. Et depuis la même loi Savary en 2014, une pièce d’identité est réclamée en cas d’amende… ou la police vient le contrevenant. Toute une logique !
Cependant, depuis le début de l’année, les abonnés TGVmax qui présentent un scan ou une mauvaise pièce d’identité sont également radiés de l’abonnement sans préavis, tout en devant payer les frais de résiliations restants (de 15 euros si entre 3 et 12 mois d’ancienneté, à 172 euros si l’abonnement venait de débuter…). Comme les abonnements de téléphone d’antan :)

Ainsi, si vous prenez l’abonnement TGVmax, gardez toujours votre pièce d’identité avec vous, probablement avec votre carte voyageur. Et en cas de perte… n’utilisez pas votre abonnement, car le récépissé de vol ou de perte ne devrait pas compter.

Pensez à confirmer

Autre nouveauté, apparue en novembre 2018 cette fois-ci, l’obligation de confirmer la réservation deux jours avant celle-ci.

Concrètement, deux jours avant la date de départ du billet, l’abonné doit cliquer sur un bouton « Confirmer mon voyage » dans son espace TGVmax. Cette action lui est rappelée à midi par un email et un SMS, et rebelote le lendemain midi si ce n’est pas déjà fait. En cas de non-confirmation la veille du départ à 17h, le billet est théoriquement annulé, même s’il ne disparaît parfois pas de l’application. En cas de contrôle… vous l’avez compris, ça coûtera cher.

Le bouton de confirmation sur l'espace web de TGVmax.

Ce système a été mis en place pour éviter des réservations d’opportunisme : des usagers qui réservent des trains pour, au mieux, partir s’ils en ont envie, au pire, profiter du remboursement en cas de retard (cf. plus bas). À l'époque, l’entreprise justifiait ce système par un chiffre : « 20 à 30% de places vides laissées par les abonnés ». D’où l’instauration d’un mécanisme de confirmation, au lieu d’un système de carton jaune ou rouge, qui existait à l'époque avec iDTGVmax* Avec iDTGVmax, une réservation annulée trop tard, une place laissée vide par l’usager, ou une mauvaise conduite, pouvait donner un carton jaune. Au bout de deux cartons jaunes dans le mois, l’usager se voyait remettre un carton rouge, et ne pouvait réserver qu’un trajet en même temps, empêchant donc toute correspondance. , mais qui serait impossible à mettre en place actuellement sans portes d’embarquements dans toutes les gares.

En cas de retard…

Une question qui se pose légitimement : vu que les billets sont à 0 euros, de combien vais-je être remboursé avec la garantie G30 ?

Pour rappel, la garantie G30 est le remboursement partiel du billet en cas de retard : de 25 % en cas de retard de plus de trente minutes, à 75 % pour un retard de plus de trois heures (même si, dans la pratique, la SNCF rembourse parfois jusqu'à 200 % en cas de « retard indéterminé », synonyme de retards d’une dizaine d’heures).

Pour les TGVmax, la règle est on-ne-peut-plus simple : en cas de retard de plus de trente minutes, l’abonné gagne un bon SNCF de 5 euros. Même si le retard est conséquent. Pas question donc de se faire rembourser son abonnement, même une partie, mais le bon n’est pas nominatif : on pourra donc l’utiliser pour aider la famille, les amis… qui paieront cinq euros de moins leur billet — les bons ne sont pas cumulables.

Et attention aux malins qui seraient tentés de faire de la soudure tarifaire, en prenant plusieurs billets sur un même train pour cumuler les bons, c’est interdit et c’est un motif de résiliation d’abonnement, voire de poursuites.

Toutefois, pas de souci à se faire en cas de correspondance. Théoriquement, la SNCF n’a pas à proposer de nouveau trajet en cas de retard d’un premier train, les deux billets étant séparés — et donc considérés comme deux contrats de transport différent. Mais dans la pratique, et comme mentionné dans les CGV TGVmax :

« En cas de correspondance entre deux Trains éligibles, si le retard du premier Train éligible provoque une impossibilité d’emprunterle second Train éligible, SNCF Mobilités pourra proposer à l’Abonné de voyager à bord d’un autre train (Train éligible ou train non éligible), circulant à des dates et/ou heures différentes sans impact sur le compteur de Trajets. »

Ainsi, en cas de rupture de correspondance, on pourra prendre un autre train, avec l’autorisation de l’accueil qui éditera un nouveau billet ; ou un hôtel sera proposé si le dernier train est parti. Dans certains cas, les frais de taxis peuvent également être remboursés, mais via une procédure spécifique, et avec des résultats plus ou moins aléatoires, la SNCF n'étant pas obligée.
Attention : étrangement, cette règle n’est pas valable pour les iDTGVmax2, qui doivent alors reprendre un nouveau trajet (compté dans la limite de douze par mois…) s’il y a !

Attention néanmoins aux délais de correspondance ! Je les expliquerai plus en détails dans un prochain article, mais il convient aux Maxplorateurs de faire en sorte qu’il y ait suffisamment de temps pour changer de quai, voire de gare, entre deux correspondances. En effet, les billets TGVmax sont séparés, et le système de réservation Résarail ne proposera pas de base des correspondances TGVmax sur un même billet. C’est donc à l’usager de prendre ses billets, et à faire attention que l’on peut bien changer de voie ou de gare entre deux trains. Par exemple, la SNCF ne vend pas de billet avec moins d’une demi-heure de correspondance à Paris s’il faut changer de gare — il faudra donc faire pareil avec ses réservations TGVmax, sous peine de se retrouver ballot devant l’accueil.

En cas d’annulation de train une fois le billet pris, le Maxplorateur n’aura toutefois pas à s’inquiéter, pouvant prendre alors n’importe quel train dans la journée sur le même parcours. Si ce dernier n’est pas disponible, il faudra alors se rendre à l’accueil, où des billets aléatoires lui seront proposés.


Avec toutes ces clés en main, j’espère que mon copain a enfin compris pourquoi je ne peux venir que certains week-ends, et pourquoi j’atterris parfois à Perrache, parfois à la Part-Dieu — heureusement, jamais encore à l’aéroport :D
Et que vous aussi ! Pour ceux qui ont compris les soubresauts de l’abonnement, et qui l’utilisent un bon escient, TGVmax est très rentable et permet de découvrir du beau pays à moindre frais, ce que je fais dans le cadre de ce traintrip. Sans cet abonnement, je ne serais probablement jamais allé autre part que dans mon Aquitaine en train, mes déplacements se contentant alors en un abonnement étudiant de TER… voire à rien ! J’en suis content, même si je vois et je comprends les critiques égard de cet abonnement. Certes, cela ne sera jamais au niveau d’un abonnement iDTGVmax… mais c’est déjà beaucoup.

Prochaine étape de mon traintrip, le 1er août… où j'évoquerai la rentabilité et le public visé par cet abonnement.

Bon voyage 🚄

Image d’illustration : Moma Event

Photographie d'Adrien
AdrienTwitter
Amateur.
TGVmax, est-ce intéressant ?