Pourquoi je ne voulais pas aller à Lund
Je suis désormais arrivé à Lund, en Suède, pour vivre ma troisième année de licence en Erasmus Une nouvelle aventure Alors que nous vivons une pandémie mondiale, je vais partir en Erasmus à Lund (Suède) pour ma L3. L’histoire d’une nouvelle aventure. — à suivre dans les prochaines semaines. Cette arrivée marque la fin d’un long cheminement, d’un parcours semé d’embûches, qui m’a vu partir les yeux pleins d’espoir et d’angoisse il y a un an, suivre une traversée du désert, avant de me resigner à rejoindre Lund, puis de m’occuper de tout le long administratif, nécessaire à l’obtention d’une mobilité en Europe. Car avant de partir à l'étranger, faut-il déjà savoir où partir. Lund n'était pas mon choix initial, bien au contraire ! Seulement, en matière de mobilité étudiante, on ne choisit pas toujours là où on veut aller…
Critères de recherche
Durant la première année, nos enseignants ne nous demandaient pas de nous projeter sur le choix de la destination pour la mobilité en L3, bien au contraire. En raison de la purge effectuée en fin de L1 (les étudiants ayant moins de 11/20 en première année étant sortis du groupe PI), il ne nous a presque jamais été fait mention de la carte des partenariats dont l’Université de Bordeaux dispose, qui est pourtant publique, mais susceptible d'évoluer chaque année. Pour nous, une année est donc passée sans se soucier de ces considérations qui nous sauteraient par la suite à la figure en deuxième année.
Dès la rentrée 2019 en effet, branlebas de combat : la DRI, direction des relations internationales, nous enjoint dès la fin septembre à dénicher nos vœux pour la mobilité l’an prochain. Plusieurs dates butoir se superposent, parfois très proche : fin février pour envoyer le dossier pour une mobilité en Europe, fin janvier pour un départ au-delà… voire début novembre pour un échange avec les universités californiennes, dont Bordeaux a un partenariat de longue date (permettant, pour rappel, de ne pas payer les frais d’inscription, faramineux aux États-Unis) ! L’heure est donc à la recherche d’universités partenaires pouvant me convenir.
C’est là qu’entrent en compte les nombreux critères, personnels ou imposés, qui vont écumer cette liste. Des « 400 partenariats » vantés par la DRI en septembre 2019, je vais me retrouver avec peau de chagrin.
Le premier critère, est non des moindres, est la nécessité de proposer des cours en mathématiques. Ou plutôt, que le partenariat qu’a l’Université de Bordeaux concerne les études en mathématiques. Chaque partenariat a en effet son domaine d'études. Pas du tout étonamment, l’une des matières à avoir le plus de partenariats est l’informatique, généralement naturellement dispensée en anglais… Et souvent, les universités proposent un partenariat pour quelques domaines précis, dont le programme de Bordeaux est jugé intéressant, et non d’autres. Vient là le second critère important : les cours doivent être dispensés en anglais. Loin de moi l’idée de ne pas vouloir apprendre une langue durant mon séjour à l'étranger, mais il est nécessaire que je puisse comprendre les cours pour pouvoir les apprendre, et les universités requiert souvent une certification B2 voire C1 (sur l'échelle CECRL) pour prouver de l’aisance de compréhension et d’expression dans une langue. J’ai beau avoir fait allemand en LV2, je ne sais dire à peu près que „Ich bin ein Kartoffel!“, et je doute que cela soit suffisant pour suivre des cours de topologie ou de géométrie différentielle…
Et c’est là où une grande partie des choix s'éliminent. L’Université de Bordeaux ne proposant que peu de cours en anglais, de nombreuses universités ne sont légitimement pas partenaires avec, car difficile de convaincre des étudiants de partir en France pour des études très cadrées et franco-françaises. Les outils de l’Université de Bordeaux ne proposent pas un tri par langue, car cela dépend évidemment des cours, et c’est un problème pour moi : de nombreux cours d’informatique sont dispensés en anglais, language naturel dans la programmation… tandis que, souvent, les mathématiques fondamentales, telles qu’elles me sont enseignées à Bordeaux, sont proposées dans la langue du pays, car étant dans une science théorique. D’un coup, de nombreuses portes se ferment (même si cela n’est pas affiché sur le GIF ci-dessus), et c’est la galère.
Ajoutons d’autres considérations plus politiques : il était hors de question pour moi de partir aux États-Unis, voire même de quitter le continent européen, souhaitant rester dans l'UE pour des raisons pratiques (monnaie, douane, passeport) et surtout environnementales, ne souhaitant pas prendre l’avion. De plus, le Royaume-Uni nous a pendant longtemps été interdit d’accès, en raison de l’incertitude sur les partenariats dans le monde post-Brexit. Avec les différents reports de dates, personne ne savait encore comment aller se gérer la transition pour les étudiants Erasmus, et pour éviter de potentiels rapatriements en milieu d’année en raison de problèmes d’ordre juridique à la suite du départ du Royaume-Uni du programme Erasmus, la DRI nous interdisait de choisir le Royaume-Uni comme vœu. Un restriction finalement supprimée en février, à la suite du départ du Royaume-Uni de l'UE avec un accord finançant pendant encore un an le programme Erasmus pour les Britanniques.
Passé tous ces critères obligatoires, il ne reste déjà plus grand choix : les universités suédoises… et c’est tout. En Europe, de nombreuses universités proposent leurs cours de mathématiques dans la langue du pays (islandais, espagnol, italien, slovaque…), et il faut rappeler qu’avec le départ du Royaume-Uni de l’Union Européenne, plus aucun pays n’a anglais comme langue officielle au sein de celle-ci…
Cependant, je ne suis pas résigné, et dès octobre débutent des pérégrinations pour négocier un partenariat avec une autre université. En ligne de mire, mon critère de cœur : un pays à la culture cycliste. Engagé dans ce combat auprès de l’association Vélo-Cité à Bordeaux et du mouvement Villeneuve à vélo dans ma ville natale, je souhaitais de longue date profiter de mon année à l'étranger pour découvrir un autre urbanisme, ou comment des pays se sont éloignés du tout automobile pour des villes humaines. Et évidemment, le premier pays quand on pense vélo, ce sont les Pays-Bas.
À la recherche d’une université partenaire
Pendant quelques semaines, j’ai pensé que l’Université de Twente, avec qui Bordeaux a un partenariat, ferait l’affaire. Malheureusement, il ne fallait pas que j’oublie un autre critère, essentiel pour poursuivre ensuite mes cours à Bordeaux : que le syllabus, c’est-à-dire le programme des cours dispensés, corresponde à celui proposé ici. Malheureusement, Twente est une université technique, et les cours en mathématiques sont trop appliqués, ce qui n’aurait pas été validé par mes coordinateurs pédagogiques, chargés de valider mon année et de vérifier de la cohérence du programme que j’aurai en mobilité. Me voilà alors parti en croisade pour trouver une autre université en Europe, aux Pays-Bas ou dans une autre ville cyclable, avec qui l’on pourrait négocier un partenariat.
D’emblée, un pays est hors de portée : le Danemark. Les nouvelles politiques du pays empêcheraient la négociation de partenariats, le gouvernement danois ayant l’impression d’accueillir trop d'étudiants alors qu’eux en envoient moins (d’après les ce-qu’on-dit). Dans ma promotion, un étudiant est même allé à Copenhague durant les vacances, tenter de voir pour un partenariat avec l’université là-bas… Refus, impossibilité, en raison des politiques nationales. Dommage, car Copenhague est connue comme étant la ville la plus cyclable d’Europe !
Pendant plusieurs semaines, j’ai cherché à travers les pages Wikipédia, les sites internet des universités, et les avis d'étudiants Erasmus, pour trouver une université néerlandaise proposant mes cours de mathématiques en anglais. Et euréka, elle était toute trouvée : l’Université d’Utrecht, aux Pays-Bas dans la ville éponyme, connue comme la grande ville cyclable de la Hollande. Les lieux sont jolis, la ville agréable, mais surtout le programme correspond point à point à ce qui est proposé à Bordeaux, jusqu’aux noms des cours qui ne sont que la traduction des intitulés français. Une université parfaite pour moi…!
La douche froide
De fil en aiguille, je donne à mon coordinateur toutes les informations nécessaires pour les contacter et tenter d’ouvrir la porte à des négociations pour obtenir un partenariat (oui, c’est long). Numéros, mails, personnes à joindre, intérêts pour Bordeaux… Pendant plusieurs semaines avec mon coordinateur, également maître de conférences et chargé de TD d’un de mes cours du semestre d'automne, nous échangeons sur comment les aborder, sachant que la DRI nous informe qu’une fois les premiers contacts faits, un accord d'échange peut se signer relativement rapidement (en Europe).
Puis vint cette réponse, cinglante, reçue au milieu du mois de décembre.
J’ai appelé ce matin l’Université de Utrecht, pour voir comment arranger un contrat Erasmus avec Bordeaux pour nos étudiants en L2. La raison d’appeler est que mon message de début Décembre n’a jamais eu de réponse. Je suis surpris et stupéfait de ce coup de téléphone, que je récite par la suite de mémoire :
Mme A. m’expliquait d’abord qu’elle avait mis sa messagerie électronique en “out of office” car elle recevait trop de messages. Ensuite, que Utrecht ne serait pas intéressé à ajouter un contrat Erasmus, car, je cite, « Utrecht est bien classé et peut se choisir ces partenaires ». Sur ma demande ce qui rend un partenaire intéressant pour Utrecht elle expliquait que de toute façon il n’y aurait pas assez d'étudiants qui partent vers la France. […] Utrecht aurait déjà cinq partenaires Françaises. Elle n’a pas voulu dire de qui s’agit (ce serait “publiquement accessible” - ce qui est, d’ailleurs, faux) ni si ces partenaires français proposent des Licences en anglais, ce que je soupçonne. J’ai remarqué que ce point est important car le flux trop bas vers la France qu’elle observe peut bien en dépendre de façon mono-causale. Elle a refusé cette discussion.
[…] Il y a aussi des leçons à tirer sur notre Licence (qui devrait avoir la L2 et L3 en anglais à coté de la licence en français) et peut-être sur le positionnement des contrats “Erasmus” de l’Université.
Derrière cette réponse se trouvent probablement des enjeux financiers — rappelons que les frais d’inscription à l’université en France sont de 170 euros… contre plus de 2 000 euros à Utrecht — voire géopolitiques. Pour mon coordinateur, la déception est grande également. Pour moi, c’est surtout un retour à la case départ, à deux mois de la date butoir pour constituer un dossier.
Lund, choix de repli
Ces péripéties m’auront découragé de négocier un autre partenariat, surtout étant donné la date butoir qui s’approche à grands pas. Fort heureusement, un camarade de classe souhaitant également partir à l'étranger m’a recommandé l’Université de Lund, en Suède, dont le programme correspond plus ou moins à ce qui se fait sur Bordeaux. Après quelques balbutiements, je me décide à constituer le dossier pour cette université, au sud de la Suède, qui correspond à tous mes critères : une université proposant les cours de mathématiques de Bordeaux, en anglais, en Europe, avec comme bonus — que j’apprendrai plus tard — le fait d'être une des villes les plus cyclables de Suède.
Malheureusement vient là un dilemme infernal. Au détour d’une conversation, j’apprends par la DRI que l’accord n’est que pour une seule personne. Or, nous sommes au moins deux à vouloir cette place, et me voilà bien mal à l’idée de lui voler* une place dans l’université qu’il souhaitait depuis le début de l’année… Étant en parcours international et surtout dans le top 5 de promotion en L1, j’allais dans cette situation être prioritaire sur lui, et prendre cette place… Je tente même de négocier une augmentation du nombre de places auprès de l’Université de Lund, qui répond tout aussi gentiment :
« Notre faculté ne le permet plus. »
Et ma coordinatrice de répondre : « Il semblerait que les temps ont changé… »
Issue de cette situation : le coronavirus, qui fera en sorte que ce camarade se désiste, ne souhaitant pas s'éloigner de ses proches dans cette période décidément tumultueuse. Je dépose mon dossier le 28 février, reçois la réponse à la mi-mars.
Et aujourd’hui, me voilà à Lund. Et je n’en suis qu’heureux ! La ville est très agréable, les cours sont sympathiques mais surtout l’atmosphère, l’ambiance qui se dégage de l’urbanisme et du mode de vie scandinave est un bonheur quotidien. ☀️
Ce chemin de croix ne s’est néanmoins pas terminé avec la constitution du dossier. Paperasse, demande de bourse, rédaction de CV… les mois qui ont suivi ont été très stressants, notamment dans cette période de confinement La fac, mais sans la fac Journal de quarantaine : première semaine. La France se confine, mais la vie suit son cours. Difficile pourtant de continuer à étudier dans ces conditions… que nous avons vécu, et mes proches ne pourront pas dire le contraire… À suivre prochainement, c’est-à-dire quand j’aurai la motivation de rédiger un nouveau pavé !