Délégués, avenir et blocage
ENFIN ! Après des semaines de travail plus ou moins acharné durant le mois de décembre suivies de vacances bien méritées, le semestre s’est officiellement terminé hier avec les derniers examens de première session (d’analyse, pour les intéressés). Quatre mois après la rentrée, la page du semestre 3 se tourne, et dès mercredi commence le quatrième, sur les bouchées doubles d’après nos emplois du temps pas tout à fait prêts mais déjà publiés. Durant les révisions de ces examens, j’ai lu, relu et rerelu les cours de ce semestre, qui tiennent dans deux calepins où tout est simplement rangé dans l’ordre chronologique — une terrible organisation pour réviser, mais c’est la mienne. Et sur chaque feuille (qui correspond donc à un cours), j’ai noté tout au long du semestre les petites histoires, les petites citations drôles, dont je pourrais potentiellement me rappeler plus tard, à la fin du semestre, de l’année, des études. Un petit pêle-mêle d’anecdotes de vie qui font ou défont une journée, certaines totalement inintéressantes, d’autres qui sont agréables à partager mais ne tiendraient pas en elles-même pour un article. La fin de ce semestre est l’occasion d'évoquer ces « brèves de fac », ces indiscrétions, qui font tout le plaisir de la vie quotidienne. Florilège.
Des délégués de promo, est-ce utile ?
Dans certaines facultés, chaque groupe de TD doit élire un délégué pour parler directement aux enseignants-chercheurs et responsables de licence, afin de parler d’une même voix et d'éviter trente-six histoires individuelles. La pratique n’est pas commune à toutes les facs… et à Bordeaux, on tente depuis quelques années de l’expérimenter, même si, de l’aveu-même du responsable de licence, « il est compliqué de trouver des volontaires ». Lors de la réunion de rentrée, début septembre Et c'est reparti. Quelques jours avant les néo-bacheliers, les L2 et L3 reprennent progressivement, et découvrent tous les changements de l'été. , celui-ci lançait déjà son appel à candidatures pour deux délégués par groupe de TD, dans l’optique d’organiser une réunion de mi-semestre pour juger des difficultés de chacun.
L’affaire ayant été oubliée durant les premières semaines, il faudra deux mois et demi pour obtenir ces délégués, à l’issue de mails de rappels à l’aube des vacances de la Toussaint. La tâche de recherche de délégués a été difficile, même après deux mois d’activité… car personne n’a réellement envie de l'être. Pas de grande raison expliquant cette absence : peut-être un manque d’implication de chacun, le fait de devoir parler au nom du groupe… ou surtout l’utilisation de groupe de classe qui a rendu inutile l'élection d’un représentant. Dès lors, lors de la réunion de mi-semestre (qui a eu lieu au final… fin novembre), certains groupes n’auront pas de représentants. Leur manque n’a pas a priori été gênant, dans une réunion qui a duré deux heures et s’est vite centrée sur une matière en particulier, posant problème.
La volonté d’instaurer des délégués est louable. Cela a plusieurs avantages, dont le premier non-négligeable est le fait de permettre la mise en question de problèmes sans avoir de répercussion sur un étudiant en particulier. Néanmoins, les marges de manœuvre à la disposition des responsables d’année ne sont pas très grandes, en cas de problème avec un cours ou un enseignant : donner le cours des précédentes années, à la limite… mais, tout comme dans le secondaire ou dans la vie professionnelle, pas de changement possible si un enseignant n’est pas compris de ses élèves : il faut faire avec.
L'élection de délégués peut par contre être symptomatique du manque de communication entre corps enseignant et étudiants. Dans des groupes de TD, les enseignants sont naturellement plus accessibles, mais il se pose parfois, voire souvent, la barrière du niveau d'études : étudiants en première ou seconde année n’osent pas parfois remettre en ou poser des questions face à un enseignant-chercheur ayant fait huit années d'études, voire plus. En amphithéâtre, la situation est pire, et peu parlent ainsi au maître de conférences. On peut trouver là dommage le fait d’avoir une relation parfois très distancée entre le savant et son public. Cela dépend beaucoup du statut de l’enseignant-chercheur… et de la carure des étudiants en face.
À Bordeaux en mathématiques, les délégués du troisième semestre seront les mêmes pour le quatrième. Avec espoir cette fois que la réunion soit plus tôt, pour éviter le décrochage d'étudiants, annoncé par nos prédécesseurs actuellement en L3…
Emploi du temps, mon ami
À leur décharge, la gestion des salles et des emplois du temps pour les quelques personnes qui sont chargées de cette organisation pour l’ensemble du campus de Sciences & Technologies, n’est pas quelque chose d’aisé. Des centaines de groupes de TD, le même ordre de grandeur de salles, et des inconditionnels (horaires commun de sport)… Cela donne nécessairement des couacs. Des omissions, des oublis de salles, des horaires farfelus ou des manques d’heures de cours, qui souvent sont corrigés en un email… mais parfois finissent en système D.
L’informatique a été la matière le plus à problèmes ici. J’aime citer ce cours de TD ayant disparu à H-15 minutes, entre le départ de mon domicile à vélo et mon arrivée à l’Université — seul cours de la matinée… ou ces heures perdues par manque de salle. En cause ici, aussi étonnant que cela puisse paraître, une rivalité, ou du moins une priorisation des informaticiens pour les salles d’informatique, au détriment des autres.
Je peux également citer pêle-mêle un manque d’horaires pour une matière transversale, qui a débouché sur des cours la veille des examens ; de cet enseignant-chercheur qui s’est retrouvé avec deux cours… en même temps ; ou encore des heures pirates de théâtre… ayant débuté au parc jouxtant la fac, profitant ainsi de l’atmosphère encore estivale de Bordeaux alors que le service n’a pu attribuer à l’UE une salle pour les premières semaines du mois de septembre. Et lorsque les enseignants s’en mêlent, cela peut devenir une cacophonie, notamment lorsque certains veulent avancer des TD pour nous laisser une semaine de révisions pré-partiels, pour finalement se retrouver in fine avec des cours après les dernières séances d’exercices.
Ce problème n’est pas commun à ce semestre, ni à mon groupe : l’an dernier, des heures de TD avaient été programmés après les derniers examens pour certains. Et au prochain semestre… les emplois du temps sont déjà très prometteurs, avec un vendredi sans pause méridionale !
À la recherche de son avenir
Durant le semestre, la majorité des étudiants (ne m’incluant pas) ont eu à passer une semaine d’« ouverture professionnelle », une unité d’enseignement composée de quelques heures de réunions en petit groupe, pour apprendre aux étudiants à élaborer un CV, une lettre de motivation ou des recherches, dans l’optique du stage de L3, obligatoire pour tous les étudiants… sauf ceux en mathématiques. Les matheux de mon groupe de TD se sont donc bien embêtés durant cette semaine aux enseignements éclectiques, dépendant beaucoup du curriculum des enseignants recrutés pour l’occasion. D’autant plus que les étudiants sont dispatchés en groupe… mélangés entre toutes les promotions de sciences ! Ici, deux personnes mélangés avec des chimistes qui ont un stage de deux mois à faire, et dont le responsable concentrait du coup tout le travail sur celui-là ; ou là, des physiciens qui ont reçu des cours du responsable de la licence de mathématiques, qui réfléchissait plus au monde de la recherche…
Cerise sur le gâteau, l’obtention du crédit ECTS* Pour rendre une UE obligatoire, il est nécessaire de la noter et de l’inclure dans l’obtention de la licence… d’où de nombreuses petites matières à 1 crédit ECTS (sur 30). est conditionné à la rédaction d’un rapport… et à la complétion d’items sur une plateforme ayant pour objectif de faire réfléchir l'étudiant sur ses avantages personnels : le PEC, pour Portefeuille d’expériences et de compétences.
Les étudiants doivent alors remplir ce PEC et en fournir une copie, notée de principe. Un travail long, chronophage et surtout superflu, qui ne sera regardé par personne par la suite, et sert juste les egos des personnes y ayant travaillé. Certes, le travail sur soi dans le cadre d’une réflexion sur son futur professionnel est nécessaire, particulièrement en cette année charnière où les étudiants doivent déjà savoir sur quel master ils veulent continuer par la suite. Ce long travail qui se veut pédagogique n’en est qu’inutile, de l’avis de nombreux concernés…
La fac de sciences bloquée ?! 😱
La dernière belle histoire date tout simplement de ce jeudi, jour du dernier examen mais aussi nouveau jour de grève contre la réforme des retraites, qui a tant fait parler ce mois-ci. La grève dure depuis plus d’un mois désormais, et ce jeudi devait marquer la rentrée de la mobilisation. À l’occasion, l’université de Bordeaux-Montaigne avait d’ores-et-déjà annoncé que les examens ce jour-là seraient reportés ultérieurement. Plusieurs raisons à cela : le manque de transports en commun à venir* TBM annoncera finalement mardi huit tramways par heure et par sens pour la journée de jeudi, au lieu de vingt en temps normal. , le risque de perturbations, et surtout la pression des syndicats étudiants, relativement puissants à la fac de lettres, pour libérer la journée pour les étudiants souhaitant manifester.
L’Université de Bordeaux, qui regroupe toutes les autres formations bordelaises, a elle décidé de maintenir l’ensemble des examens prévus ce jeudi-là, comme la Présidence l’a annoncé dans un mail à la communauté universitaire la veille. La raison ? Les étudiants le voudraient :
« Le maintien des examens répond à la demande de nombre d’entre vous. Le respect de ce calendrier est en effet essentiel dans votre cursus en raison de départs en mobilité ou du démarrage de périodes de stage immédiatement après la fin de vos partiels. »
Pourtant, la rumeur a enflé, le mercredi soir, de blocages du A22, le bâtiment principal du campus talençais de l’Université, à l’aube. Une rumeur potentiellement d’autant plus vérace que l’autre grand terrain de mobilisation, le site de la Victoire, refuge des facultés de sciences humaines (sociologie, psychologie) et surtout des luttes diverses en raison de sa configuration géographique et cadastrale Le site de la Victoire est l’un des plus vieux locaux de l’Université, situé sur la place éponyme. Son blocage est facilité par la configuration des lieux : une seule porte principale, menant sur la place. Le lieu est également au cœur du centre-ville de Bordeaux, et est donc un point névralgique des AG et des manifestations. , a été fermé après intervention des forces de l’ordre au lendemain de Noël pour déloger les étudiants qui squattaient les locaux depuis le début du mois. L’Université ayant annoncé la fermeture administrative du site pour plusieurs semaines, le temps de remettre en état les lieux… les potentiels bloqueurs pourraient être tentés de se réfugier sur le bastion encore ouvert, qui résiste aux manifestations et semble apolitique au possible… le campus de sciences et technologies.
Alors, pour éviter des blocages, l’Université a mis les bouchées doubles… en engageant une société de sécurité privée, chargée de surveiller les lieux, et en fermant à clef les amphithéâtres avant et entre chaque examen, le tout encadré par une poignée de vigiles par amphi, pour éviter un cadenassage sauvage du lieu, comme il a pu être fait à l’université Bordeaux-Montaigne à d’autres occasions. Le matin, un petit groupe de manifestants a bien tenté d’envahir le bâtiment A22, sans réellement perturber le fonctionnement des examens, s'étant fait écartés par l'équipe de sécurité. Toujours est-il que la vue de vigiles, gardes du corps et de tout un dispositif pour empêcher le blocage d’amphithéâtres, au milieu de l’anxiété étudiante pré-partiels, fait bizarre, dans un endroit habitué à être calme en toute occasion. Comme si l’Université investissait pour éviter le renversement du dernier bastion encore libre de toute considération politique… Ce qui ne manque pas d’en faire sourire certains.
« Chaque pays a ses traditions… »Mon prof d’analyse, avant l’examen.
C’est ainsi dans un calme particulier que les étudiants ont passé leurs derniers examens ce jeudi, avec quelques adaptations (passage des étudiants au compte-gouttes, de l’enseignant par une porte dérobée…) pour éviter que la bête n’arrive. Non, la fac n’a pas été bloquée ce jour-là. Mais elle aurait pu l'être…
RDV au S4 !
Le troisième semestre terminé, le quatrième ne va pas attendre, avec les premiers cours dès mercredi, et une première semaine qui, comme à chaque début de semestre, sera uniquement composée de cours en amphithéâtre, en attendant l'élaboration des groupes de TD dans les jours qui suivent. Comme à chaque début de semestre, aucune communication ne nous envoie les emplois du temps — qui sont à chercher sur internet par nous-même, mais disponibles depuis Noël ; ni aucune pour nous annoncer la date de mise à disposition des notes du S3. Logiquement, celles-ci devraient être publiées pour la mi-février — un joli cadeau de Saint-Valentin.
D’ici là, les étudiants reprofitent de quelques jours de vacances : certains partent pour de bon en vadrouille, dans les Pyrénées souvent, tandis que d’autres vont se reposer. Et ils font bien : le semestre suivant va être le semestre où on rentre dans le dur, la fameuse « césure » évoquée par nos prédécesseurs, où les esprits lâchent et où les groupes se divisent. Le 13 mai prochain, l’année sera terminée — sauf pour ceux qui iront aux rattrapages — mais d’ici là, il faut tenir. L’année et la licence se jouent là. Courage, on n’en est qu'à la moitié.