TGVmax expliqué à mon copain, partie 1
À partir d’aujourd’hui, j’entame un traintrip de trois semaines, vadrouillant en France et ailleurs, de Agen à Lyon, entre Nice et Paris, Marseille et Genève. En tout, une dizaine de trains pris jusqu'à l’Assomption, avec des itinéraires parfois alambiqués, me faisant remonter à Paris après plusieurs jours à Lausanne (Suisse) pour prendre le train de nuit direction Crest. Et tout ceci, non pas grâce à un compte caché en Suisse, mais grâce à un abonnement : TGVmax.
Cela fait désormais plus d’un an que je suis un « maxplorateur », un usager de cet abonnement de train semi-illimité, lancé en grandes pompes par la SNCF il y a de cela deux ans et demi. Avec, j’ai pu rentrer chez moi les week-ends à l’issue de mes cours à la fac, partir en vacances ces derniers étés, ou découvrir ce qui me sert actuellement de copain au détour d’un week-end d’hiver. Désormais, je vais voir ce dernier très régulièrement en train, alors que nous sommes distants de près de 400 kilomètres à vol d’oiseau, plus de 1 000 via les rails. Mais derrière la façade illimitée de l’abonnement se cache des contraintes, et me voilà quelquefois à entrer dans des explications à rallonges pour lui dire pourquoi un coup j’arrive à la Part-Dieu, un jour à Perrache, en passant par Toulouse, Montpellier, Marseille, voire Disneyland !
Ce traintrip est l’occasion pour moi d’expliquer mon TGVmax, l’abonnement, les avantages et ses inconvénients, ainsi que des astuces pour avoir un max de trains comme le promet la SNCF. Pour tous les abonnés actuels, ou pour ceux qui envisagent de rejoindre la communauté, pour les étudiants qui ne veulent pas dépenser 200 euros de train, ou les jeunes qui veulent profiter de l’occasion pour visiter, cette série est faite pour vous ! Tout au long de mon escapade, je partagerai sur ce blog les connaissances que j’ai eu en un an d’abonnement. Car maîtriser cet abonnement ouvre la porte à de beaux voyages.
En ayant marre de répéter les conditions de mon abonnement à chaque fois que je vais chez lui (je plaisante… un peu), je me suis mis en tête d’expliquer, une bonne fois pour toutes, à mon copain (et aux vôtres!), les tenants et les aboutissants de cet abonnement. Et pour cela, il faut revenir aux origines de l’abonnement. Un peu d’histoire…
Au commencement… iDTGVmax.
L’abonnement TGVmax a été lancé en janvier 2017 par la SNCF, en promettant des voyages en illimité sur tout le réseau TGV (et Intercités à réservation obligatoire). Mais cet abonnement n’est pas sorti de nulle part : un système similaire a déjà été testé dès 2015 dans les iDTGV, avec une carte nommée iDTGVmax.
Cette fois c’est parti pour les vacances 😀 🚆🏖 #iDTGV #iDTGVMAX pic.twitter.com/r3YMYqZanv
— mobinaute (@m0binaute) July 30, 2016
Pour fêter les 10 ans d’iDTGV, la filiale privée de la SNCF*
Quoi ? 😲
En 2004, la SNCF lance iDTGV, une nouvelle filiale qui avait la particularité d'être de droit privé, leurs cheminots étant soumis à des conditions de travail spécifiques. La filiale sert alors de laboratoire à grande vitesse pour la SNCF : plusieurs espaces de confort (silencieux ou familial), des trains de nuit avec DJ, de la location de console… Plusieurs tests ont été intégrés au giron SNCF, comme l’embarquement à quai, ou le service de chauffeur (iDCab, devenu Mon Chauffeur). La filiale est fermée en 2017, au profit de Ouigo.
, cette dernière a lancé un abonnement illimité, en stock limité : 10 000 personnes pouvaient prétendre à la carte iDTGVmax, qui permettait alors de voyager en illimité à bord de tous les iDTGV de plus de trois heures (et Lyon).
Derrière l’illimité se cache déjà des conditions qui peuvent s’avérer strictes. À commencer par le choix des destinations : les iDTGV sont une offre en plus des TGV (qui se collent à eux… littéralement), et ne sont qu’au départ de Paris, pour les Sud : ainsi, l’abonnement est surtout utile pour les personnes voulant aller ou sortir de Paris (les étudiants, notamment) depuis Bordeaux ou Nice, pas Lille ou Strasbourg, accessibles en moins de trois heures.
Le réseau iDTGV en 2015. iDTGV
Mais l’abonnement se veut sans prise de tête, et plus simple que l’actuel TGVmax : l’abonné (qui possède une carte, par ailleurs) prend via une application dédiée, jusqu'à trois mois à l’avance, ses « checks », six maximum en même temps, c’est-à-dire ses réservations dans le TGV. Là-bas, les Maxtrotters ont… un haut de voiture à eux tout seuls, c’est-à-dire quarante places réservées pour les iDTGVmax et uniquement eux, ce qui garantit que dans chaque idTGV, il y a des places pour les abonnés. D’où la limite à 10 000 encartés, atteinte le lendemain de l’ouverture des ventes.
Les 10000 cartes #iDTGVMax vendues en une journée ! @iDTGV invente l'abonnement illimité pour le train et ça marche ! pic.twitter.com/7CEuswK3o6
— Rachel Picard (@Rachel__Picard) January 29, 2015
L’abonnement est aussi peu onéreux : 59€90 par mois au lancement, monté en 64€99 par la suite. Soit même pas un trajet aller-retour en TGV classique pour Paris. À noter également un système de cartons jaunes & rouges pour civiliser la communauté, car les iDTGVmax n’ont pas de place attribuée. Bref, le public de cet abonnement est multiple, et rapidement conquis.
Cette fois c’est parti pour les vacances 😀 🚆🏖 #iDTGV #iDTGVMAX pic.twitter.com/r3YMYqZanv
— mobinaute (@m0binaute) July 30, 2016
Level up : TGVmax
Pendant deux ans, les Maxtrotteurs vaquent et testent pour la SNCF l’abonnement, et le principe-même de semi-illimité, avec ces 10 000 personnes qui ne coûtent pas plus à iDTGV, la voiture étant réservée quoiqu’il arrive.
L’expérience s’est avérée concluante, puisque deux ans plus tard, la SNCF lance* son abonnement illimité sur les TGV : TGVmax (initialement Happycard…). Une lecture intéressante : comment la SNCF est montée dans l’illimité, par Salesforce, l’entreprise qui a créé la partie technique de l’abonnement. Alors qu’iDTGV doit alors s’arrêter à la fin de l’année, la SNCF rapatrie son concept d’abonnement, en l’adaptant à son réseau principal et en le réservant aux 16 - 27 ans, avec notamment la disparition de la voiture réservée pour les abonnés, qui prendront des places réservées, comme tout le monde… mais pas sur tous les TGV.
Les Maxplorateurs pourront voyager « tous les jours, vers toutes les destinations TGV et Intercités, soit 250 au total, même les jours de grand départ […], sur presque tous les trains, à l’exception des quelques trains de très grande affluence plutôt empruntés par les professionnels »
— Rachel Picard, DG SNCF Voyages
L’abonnement se veut plus ouvert, avec donc l’intégralité des relations TGV et Intercités à réservation obligatoire*
Le réseau Intercités, les trains nationaux qui ne sont pas à grande vitesse, est divisé en deux catégories : les trains sans réservation, suivant le même principe que les TER, qui sont la majorité des Intercités, et les trains à réservation obligatoire, c’est-à-dire où une place est attribuée lors de l’achat d’un billet. Ces derniers sont ouverts aux Maxplorateurs, et sont au nombre de trois : Bordeaux – Marseille, Paris – Toulouse via Limoges et Paris – Clermont-Ferrand)
➥ Carte des destinations Intercités
disponibles sans quota maximal de places, ou surtout, d’abonnés. Mais l’ouverture a ses limites, et l’abonnement est tout sauf transparent, contrairement à la promesse lors de la présentation à la presse.
"Avec #TGVmax, le rêve des globe-trotteurs devient une réalité 🌍" @RPicard_SNCF pic.twitter.com/8tkoZBQ8FV
— TGV INOUI (@TGVINOUI) January 25, 2017
Deux ans après, l’abonnement est toujours le même : 79 euros par mois pour un max de trains, mais selon des quotas qui ne sont pas publics, et qui ne sont parfois même pas logiques. La question de ces quotas est d’ailleurs le principal point de crispations autour de l’abonnement, car contrairement au caractère fixe d’iDTGVmax, ces nouveaux sont très fluctuants… car la SNCF profite de cet abonnement pour rentabiliser le remplissage de ces trains. Au grand dam des usagers.
Et les iDTGVmax dans tout ça ?
À la sortie de l’abonnement TGVmax, les abonnés iDTGVmax, ayant testé le produit pendant deux années avant sa mise à disposition publique, ont été remerciés. Dans les deux sens du terme.
Avec un simple mail de remerciements, les 10 000 abonnés iDTGVmax ont appris la nouvelle, que leur abonnement serait clôturé trois mois plus tard, sans qu’il y ait rattrapage sur la nouvelle offre. La fin de l’abonnement est logique, les iDTGV étant déjà plus ou moins en sursis — on apprendra le mois suivant que la filiale ferme en fin d’année —, mais la SNCF ne propose même pas aux abonnés de rejoindre la nouvelle offre. Et pour cause : là où iDTGVmax avait une contrainte d’abonnements, TGVmax n’a qu’une contrainte… d'âge : 16-27 ans. Ainsi, les très nombreux abonnés iDTGVmax qui ont construit leur vie professionnelle avec l’abonnement (journalistes, entrepreneurs, avocats…) se retrouvent sans rien, devant le fait accompli, perdant leur abonnement à 65 euros par mois… pour un pseudo-équivalent illimité professionnel, l’abonnement Forfait France Entière… à près de 1 000 euros par mois.
La colère gronde, et la commnauté, petite, se soude pour faire pression, sur les réseaux sociaux et même via le ministre des Transports, sur la SNCF pour éviter la fin de leur abonnement. Ce lobbying, et les réseaux des professionnels possédant l’abonnement, marchent, et voilà des dizaines d’articles de presse parlant de la «bronca » des usagers, d’une « entourloupe » de la SNCF, et qui masquent quelque peu le lancement de l’offre TGVmax.
Le lobbying prend force, grâce notamment au fait que les abonnés iDTGVmax — dont l’abonnement a été offert sur leurs trois derniers mois — sont regroupés dans une même voiture, et peuvent donc se réunir gratuitement dans les trains SNCF pour planifier leur attaque contre la SNCF, jusqu'à envisager des poursuites…
#iDTGVMAX : J'ai demandé à la @SNCF de faire une proposition constructive dans les prochains jours.
— Alain Vidalies (@AVidalies) February 15, 2017
Moult articles racontent la bataille entre ce noyau d’usagers et la SNCF, qui a duré plus d’un mois. D’un côté, des professionnels ayant fondé leur vie avec cet abonnement, de l’autre, la SNCF qui veut arrêter les frais et se ramener à la raison, le principe d’un abonnement avec des places réservées n'étant pas rentable (surtout à 65 euros par mois, le prix de même pas un aller-retour de TGV…).
« Si on peut comprendre que la fin d’iDTGVmax peut perturber certains dans leur vie au quotidien, économiquement, on ne peut pas tout se permettre. Il s’agit d’argent public. »
— Mathias Vicherat, directeur adjoint de la SNCF en 2017 dans Le Parisien.
Au terme de quatre réunions, ceux-ci obtiennent de la SNCF un nouvel abonnement, doublon de TGVmax, réservé aux précédents abonnés : iDTGVmax2 (oui, paye ton nom à rallonge). Même prix, mêmes destinations — mais sur les trains SNCF cette fois —, pendant deux ans (renouvelés depuis en mai 2019)… mais avec le système de quota variable de TGVmax, et un nouveau quota de trains par mois, qui n’est pas présent sur TGVmax : 12 trajets par mois. Le lobbying a fonctionné.
Depuis donc, les abonnés iDTGVmax2 continuent de profiter de leur abonnement, pour 65 euros par mois, mais plus illimité comme avant. Même si l’offre ne fait que diminuer, grâce au système flou du quota.
À lire : comment les abonnés iDTGVmax ont réussi leur campagne de pression sur la SNCF. Ou l’histoire de la formation ex-nihilo d’une communauté soudée par un abonnement :
Avec ce retour vers le passé, vous comprendrez mieux les principes de l’abonnement TGVmax, un abonnement semi-illimité, qui permet de voyager à moindres frais, si on en tire les objectifs. Certes, rien ne remplacera un abonnement iDTGVmax, ou du moins pas à ce prix-là… mais TGVmax permet tout de même de profiter du train, de manière plus récréative que professionnel.
Rendez-vous samedi, prochaine étape de mon traintrip, pour les principes de cet abonnement. Après cela, mon copain comprendra enfin pourquoi je peux venir certains week-ends et pas d’autres :p
Bon voyage ! 🚄
Image de couverture : iDTGV, via Olivier Ramezon.
