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Pourquoi je quitte Medium.

Ou un retour aux origines du Web.

En ce vendredi 05 juillet 2019, et après plus de deux ans d’articles à mon compte sur la plateforme, je quitte Medium.

La décision a été prise il y a de cela plusieurs semaines, et après deux semaines de travail de conception, je suis heureux de pouvoir ouvrir mon site-blog, Une vie de robot, où j'écrirai désormais mes articles. Mais d’abord, expliquons cette décision.

Un homme écrit sur un ordinateur.

Image de Glenn Carstens-Peters sur Unsplash

Medium, un bon site

Je me suis inscrit sur Medium en 2017, en cherchant une alternative à TwitLonger pour poster des pensées et articles sur Twitter. TwitLonger était très pratique pour exprimer des pensées textuelles, mais je voulais aller plus loin, insérer des images, de la mise en forme autrement que par des caractères Unicode : avoir un vrai espace d'écriture, en somme. J’ai donc cherché des plateformes de blog qui permettaient cela - il y en a légion - , et suis tombé sur Medium. Medium était une plateforme qui montait (quoique déjà bien haute à l'époque), et surtout, me plaisait, avec son éditeur WYSIWYG* What You See Is What You Get. En bon français, ce que tu vois à l'écran sera ce qui sera produit à l’arrivée.
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qui me permettait d'écrire comme dans un logiciel de traitement de texte, et de me concentrer uniquement sur le texte et sa mise en forme directe, sans avoir à penser à des considérations plus techniques. Des petits riens me faisaient accrocher à la plateforme, comme la possibilité de tweeter avec des images de courtes citations de texte, ou encore le fait d’avoir des articles intéressants en français sur la plateforme. Plus tard, j’ai même découvert le système de « publication », qui permet de centraliser des histoires dans un mini-blog, ce que j’ai utilisé pour Un robot à la fac ici.

C’est ainsi qu’en novembre 2017, porté par une envie de partager ce que je sens qui va être une folle histoire, je publie le premier article de « Génération Test », une série qui raconte les péripéties de l’instauration de Parcoursup pour les élèves de terminales, et qui durera 36 épisodes. Au fil de mes articles, je découvre de nouvelles fonctionnalités de Medium, que j’apprécie, comme les images d’illustration, les galeries, les URL personnalisées… Medium me permet de m’exprimer directement, comme sur un blog.

Après mes aventures de lycée, j’ai envie de continuer et de raconter ma nouvelle vie dans le supérieur, d’où l’ouverture en septembre dernier de la publication Un robot à la fac, avec ses premiers articles consacrés aux premiers jours à l’université.

Au fur et à mesure de mes articles, et déjà dans « Génération Test », je sentais qu’il me manquait des outils que j’aurai aimé avoir pour pouvoir vraiment développer une trame narrative. Ma référence en la matière, et mon inspiration pour les articles, est le site Les Jours, dont je suis abonné, qui est un média qui raconte l’information en séries, appelées « obsessions » : leurs journalistes se consacrent pendant plusieurs articles, voire dizaines d’articles, sur un sujet, pendant plusieurs mois. Ce format « au long cours » permet de voir une progression et de parcourir plus profondément des sujets, notamment quand des liens se font avec leurs protagonistes. J’ai notamment adoré suivre leur série Les années fac, qui comme son nom l’indique suit plusieurs étudiants en L1 à Nanterre durant leur année universitaire, et qui a été au cœur des révolutions et manifestations étudiantes contre la loi ORE… à l’origine de Parcoursup. Parcourir l'évolution d’une série passe notamment par la possibilité de pouvoir binge-reader, c’est-à-dire lire plusieurs articles d’affilée, chose qu’il est délicatement possible de faire dans Medium. Parcourir l'évolution d’une série, c’est également suivre des personnages, et cela n’est pas possible sur la plateforme actuellement. Dans « Génération Test », lorsque je mentionnais A., mon amie qui souhaitait aller en BTS audiovisuel option son, j'étais obligé de la décrire en faisant lien aux différents articles où elle était mentionnée, mais cela ne suffisait pas à créer un véritable fil rouge de la série. Le manque d’outils de Medium me limitait donc un peu, mais je ne comptais pas quitter la plateforme pour autant. Elle me permet d'être visible, d’avoir mon espace d'écriture et d’organisation (avec la publication), donc pourquoi changer ?

Medium, c'était mieux avant

Néanmoins, il ne faut pas oublier que derrière le site, Medium est une entreprise, à but lucrative donc. Et leur business model n'était jusqu’en 2017 pas au rendez-vous. Depuis, Ev Williams a repris la main, et les choses ont changé. Medium France a fermé, laissant le site presque exclusivement aux anglophones, mais surtout le business model a évolué, se tournant vers un système d’abonnement pour accéder à des articles de qualité supérieure. D’abord écrits par des rédacteurs payés par Medium, le « programme de partenariat » a ensuite été ouvert à tous. Le deal est simple : le site reste libre et gratuit, mais les auteurs qui le souhaitent peuvent placer leurs articles derrière le paywall de Medium, et gagner de l’argent en fonction des lectures faites par les abonnés. Un partage des ressources plutôt intéressant, en fin de compte. L’histoire aurait pu s’arrêter là, et tout le monde aurait été content. Mais Medium n'était pas (et ne l’est toujours pas) rentable.

En avril 2018, ce même Ev partage sa vision du modèle de Medium : un Netflix de l'écriture, en sorte, où des gens paient pour lire des articles de qualité. Refusant la publicité, la rentabilité de la plateforme ne se joue donc que sur le contenu payant que l’on peut proposer aux abonnés. Et c’est là le problème, qui n’est pas tant un problème, mais plutôt une différence de point de vue. Medium ne doit plus servir de plateforme d'écriture, mais de plateforme de partage de récits pour les abonnés.

Depuis, le site pousse les lecteurs à s’abonner, les rédacteurs à mettre les articles derrière le paywall.

Capture d'écran du site Medium, avec un pop-up demandant de s'inscrire pour lire la suite du contenu (avec une croix pour fermer la page)
Capture d'écran du site Medium, avec une fenêtre indiquant aux rédacteurs que le contenu n'a pas été publié sous le régime de paie de Medium, et donc qu'il ne sera recommandé.

Malgré les promesses, la page d’accueil de Medium ne propose plus que des articles derrière le mur de paie. Le site a supprimé la possibilité d’avoir un nom de domaine personnalisé. Et les articles non-mis en payant ne sont plus recommandés.

Personnellement, cela ne m’importait que peu, vu que le site est anglais et que les vues de mes articles ne venaient que de mes partages sur les réseaux sociaux. Mais l’insistance de Medium m’a rappelé ma dépendance à la plateforme. Le jour où Medium ne voudra plus des articles gratuits sur sa plateforme, il sera trop tard. Et ce jour pourrait vite arriver.

Medium, je t’aime, moi non plus

Le vrai déclencheur qui m’a fait quitter Medium est l’affaire FreeCodeCamp. FreeCodeCamp est une organisation à but non lucrative chargée de promouvoir l’apprentissage du développement informatique. Elle propose notamment aux développeurs de publier des articles sur leur sujet de prédilection, pour faire de la vulgarisation informatique. Un peu notre OpenClassRoom à nous, mais en considérablement plus gros. Et jusqu'à récemment, elle publiait sur une publication Medium, la plus importante du site, avec près de 600 000 personnes qui la suivait… gratuitement. Les articles étant en libre accès, Medium ne touchait que peu dessus, mis à part de la visibilité.

Seulement, cela ne suffisait pas, et ces derniers mois, l’entreprise Medium a tenté de pousser les éditeurs des plus grosses publications, pour qu’ils mettent leurs articles derrière un paywall. Ce que FreeCodeCamp, et bien d’autres, ont refusé. Et l’organisation est revenue sur une plateforme à part entière, qui lui appartient.

L’affaire a fait grand bruit dans la communauté car Medium a ensuite contacté les auteurs des articles publiés sur la publication FreeCodeCamp pour leur annoncer que ce n'était pas de leur faute, et que le contenu leur appartenait - en somme, pour les faire fuir de FreeCodeCamp.

L’organisation n’a pas révélé la raison du différend, mais un mail a été ensuite partagé (puis supprimé) par un auteur de FreeCodeCamp, qui révèle que l’entreprise est allée jusqu'à menacer en justice l’organisation.

« [Medium] a fait pression pour que nous placions nos articles derrière leur paywall. On a refusé. Ils ont tenté de nous racheter. On a refusé. Puis ils ont commencé à nous menacer avec un avocat. »
— Quincy Larson, fondateur de freeCodeCamp

Les propos sont corroborés par une autre publication technologique, HackerNoon, qui ont eux révélé publiquement l’histoire en mars, et s’apprêtent à quitter eux aussi la plateforme pour un site Internet personnel, après des tentatives de rachat infructueuses, puis des menaces pour mettre sous paywall les articles, en rappelant dans un mail en mars que leurs articles étaient tout d’abord sur Medium avant d'être sur HackerNoon. Ceci après plusieurs changements pris unilatéralement par l’entreprise, interdisant la publicité dans les posts notamment, le tout dans l’esprit de fournir aux lecteurs abonnés le plus grand confort de lecture.

La discussion est longue, mais je recommande la lecture de leur long article, sur ces changements de point de vue de la part de Medium :

Ou de cet article, concernant une autre publication, depuis disparue car n’ayant pas réussi la transition de Medium à leur site Internet.

Au revoir Medium

Cette affaire aura eu pour conséquence de me faire vraiment réfléchir aux avantages que me procure la plateforme. En y repensant, les avantages que propose maintenant Medium via son modèle économique ne me sont pas utiles. Le site ayant abandonné leurs équipes internationales, je ne pourrai jamais espérer être promu sur leur page d’accueil ou dans leurs recommandations, car écrivant en français sur un site anglais. J’ai pourtant essayé, mais il faut se rendre compte que pour moi, le paywall ne sert à rien, pire, il me dessert. Le nombre de vues n'étant pas ma priorité, et n'étant pas un grand auteur, les possibles gains promis par Medium ne me serviront pas ; a contrario, je perds en visibilité, à cause du système de paywall de Medium.

Dans l’autre sens, Medium me bloque par ses possibilités. Je suis limité par ce que propose Medium, notamment en terme de mise en page. Impossible alors de faire de réelles séries au long cours avec la plateforme, qui sert plus de partages d’histoires ponctuelles, à la vue de l’absence de système de navigation.

Enfin, et comme mentionné plus haut… je suis dépendant. Le jour où Medium coupera les vivres à ceux qui voudront écrire sans passer par leur paywall, je serai contraint de suivre, ou d’abandonner. Quand Medium arrêtera de supporter d’autres fonctionnalités bien pratiques, je n’aurai que mes larmes pour pleurer. Mieux vaut donc quitter cette dépendance, et pouvoir faire, mettre en page, écrire selon mes envies, plutôt que selon ce que Medium peut m’apporter.

Retour à l’indépendance

Je partage le constat d’Andrew Chen, partagé par Valentin Decker sur son site dans son intéressant post de départ de Medium :

« Think of your writing on the same timescale as your career. Write on a multi-decade timeframe. This means, don’t just pub on Quora/Medium

Building your network, your audience, and your ideas will be something you’ll want to do over your entire career. Likely a multi-decade thing that will last longer than any individual publishing startup. That’s why I refuse to write on Medium or Quora. Instead, I prefer to run open source software that I can move around, prioritize building my email list […] and try to keep regular backups. I used to write on Blogger and watched them slowly stop maintaining the platform after the Google acquisition. Then I switched to Typepad, only to watch the same thing happen. I learned my lesson. »

Ainsi, au lieu d’aller sur un autre site d’hébergement de contenu, ou sur Wordpress, j’ai préféré créer mon propre site Internet, géré avec le générateur de site statique Hugo, pour pouvoir être maître de mon contenu. Cela me permet d’enfin implémenter les « petites choses » du début du post* …comme celle-ci. , que vous pourrez découvrir au fur et à mesure de la navigation sur le site. Le nom change également, passant de Un robot à la fac à Une vie de robot, pour me permettre d'écrire sur d’autres sujets. En somme, faire un mini-Les Jours, sur ma vie personnelle.

Cette transition d’une plateforme à un blog est paradoxale dans un monde où tout se met à être centralisé, afin de concentrer les contenus à un endroit, pour que l’utilisateur n’ait qu'à piocher le contenu qu’il souhaite. En somme, c’est un étrange retour aux origines du Web, à l'époque des blogs différents codés uniquement en HTML et en CSS, où les contenus étaient agrégés… via des flux RSS.

En termes de fréquentation, cette transition ne change rien pour moi, mes articles étant lus par les partages sur les réseaux sociaux et non via l’activité de Medium. Au contraire, cette décentralisation permettra de me développer selon un axe personnel : les articles viendront de ce blog, et non de Medium, et on retrouve là un semblant de personnalisation et d’identification du contenu.

Malgré cela, je suis content d'être passé par Medium ces deux dernières années. La plateforme m’a permis de me développer, de me redonner le goût d'écrire. Plus globalement, Medium est agréable pour tous les débutants qui souhaitent écrire pour écrire, en se débarrassant des formalités techniques que seraient la mise en place d’un site Internet, ou même la création d’un blog Wordpress. Sur Medium, on peut créer un compte et débuter dès maintenant la rédaction de son post, puis on s’occupera du partage. Medium est même à recommander pour les gens qui veulent partager des histoires rapides sans penser à un blog au long cours. Un peu ce que cherche l’entreprise comme récits pour son modèle économique. Mais ce n’est pas ma vision du blogging.

En quittant Medium, je suis enfin libre. Libre de pouvoir gérer mes articles, ma mise en page, mon SEO. Libre d’ajouter des commentaires, des publicités [je ne le ferai pas, normalement], de parler de ce que je veux sans être soumis à des conditions d’utilisation grotesques, ou à la dépréciation de mes outils de travail.

Je suis heureux de quitter Medium. Mais merci quand même.

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