Délégués, avenir et blocage

On est foutus

Début du semestre 4/6

Les partiels du troisième semestre terminés, les étudiants n’ont pas trop le temps de chômer que déjà se profile le quatrième semestre à l’Université. Et d’emblée, le responsable de la troisième année nous annonce la couleur :

« Serrer les poings et attendre que ça passe, c’est un espoir vain. »

Le ton est donné. Pourtant, tout a l’air si normal ; mieux, ce semestre semble bien démarrer… Le S4 a sonné.

Un chat festif, sur une affiche collée dans une salle du bâtiment A22.

Un chat festif, sur une affiche collée dans une salle du bâtiment A22.

Illusions de facilité

Les premiers jours de ce semestre nouveau paraissent étrangement simple. En ce mercredi, le premier cours du semestre pourtant dédié à une nouvelle matière semble bête, revenant sur des bases du semestre 2 d’il y a un an. L’emploi du temps de la semaine est très léger, comme celui de la semaine qui suit : une invitation à la farniente, au repos. Rebelote pour le cours à plus gros coefficient, « Structures algébriques », où l’on passe les premières heures… à revenir sur la division euclidienne (oui, celle vue à l'école primaire!) ou sur les notions vues au semestre précédent.

Les jours passent et se ressemblent, avec une impression de facilité dans la compréhension de ce qui avait été annoncé comme le semestre de la rupture. Même les personnes perdues au S3 comprennent les cours du S4 : « C’est trop facile en fait… » s'étonne une amie à la lecture des cours suivis durant la semaine (ayant prolongé quelque peu ses vacances post-examens).

Un autre élément qui change, par rapport aux rentrées précédentes, est que cette fois-ci, tout le monde se connaît (ou presque) ! En effet, ce semestre 4, il n’y a pas eu trop grande séparation entre les étudiants qui partiraient dans différents parcours. Certes, les étudiants ont tout de même été remélangés, pour ce qui semble être le dernier choix fatidique d’orientation de la licence, entre étudiants souhaitant étudier les cours plus théoriques et ceux spécialisés vers l’ingénierie. Mais avec une promotion déjà assez réduite (il y avait autour de 80 étudiants en licence mathématiques au S3) et un choix finalement pas si important, le panachage est resté assez limité. Grosso modo, mon groupe de TD est resté le même, à une dizaine d'étudiants près.
À ce compte-là, le silence qui régnait Image d'illustration On change tout, et on recommence. Les partiels finis, l’heure est déjà venue de reprendre les cours, et d’enchaîner avec le deuxième semestre. Et de tout recommencer. durant les premiers jours des semestres précédents, le temps de la découverte de chacun dans des classes remaniées, n’a pas eu lieu. Tout le monde se connaît, même les nouveaux, car la petite taille de la promotion a emmené chacun à se connaître au-delà des frontières des salles de TD. Nous sommes donc tous au même niveau, subissant les mêmes galères, et pour beaucoup avec les mêmes enseignements au semestre dernier. Il est alors aisé de se reposer sur ses lauriers, qui plus est lorsque les cours ressemblent à ceux passés quatre mois avant.

Réels avertissements

Cette illusion de légèreté contraste pourtant avec les avertissements qui nous avaient été donnés bien auparavant, concernant la dangerosité de ce semestre IV. Il y a huit mois déjà, lors d’une réunion annuelle sur l'évaluation du programme de la licence de mathématiques, les étudiants alors en L2 et en L3 avaient mis en garde sur « la césure », le gouffre, qui se forme d’après eux durant ce semestre. Pour eux, il fallait changer des choses dans le parcours de la licence, pour éviter l'échec d'étudiants qui arrêtaient le licence faute d’avoir validé leur seconde année*. La validation de deux années de licence conférait jusqu'à récemment le DEUG (diplôme d'études universitaires générales), de niveau bac + 2. Il n’est plus distribué aujourd’hui. De l’aveu même d'étudiants en troisième année, c’est bien ce semestre 4 qui est (en tout cas, dans la licence mathématiques de l’Université de Bordeaux) le plus compliqué.

En début de semestre, c’est l’enseignant de « Structures algébriques », matière qui semble a posteriori très aisée, de nous avertir, d’un ton grave :

« Serrer les poings, [baisser la tête] et attendre que ça passe, c’est un espoir vain. […] Ensuite, ça sera tout le temps comme ça. »

Le propos fait suite à son explication du contenu du semestre, un semestre majoritairement composé de matières d’algébre, une branche des mathématiques plus théorique que l’analyse ; et du contenu du cours, qui n’est autre que sur la théorie de plusieurs structures algébriques (d’où le titre), loin des cas pratiques vu alors. L’enseignant se veut rassurant… à condition de travailler : « Si vous laissez deux semaines de côté, vous ne pourrez pas rattraper [le manque] » assure-t-il.

L’avertissement semble être pris au sérieux par tous, voire en désespérer quelques-un. Les résultats des partiels du S3 ne sont logiquement pas encore arrivés, et certains pensent avoir échoué. L’annonce de la difficulté du semestre est alors un coup de massue supplémentaire, venant achever les espoirs de réussir l’année. Quelques personnes réfléchissent d’ores-et-déjà à changer de filière, ou regrettent d'être partis en maths. Comportement immature, mais éphémère. D’autres semblent au contraire remotivés pour ce semestre à venir, pensant donc qu’une fois celui-ci passé, la licence sera un long fleuve tranquille. En bref : dans quatre mois, c’est fini.

Reste que cela fait tout de même quatre mois à passer. Et si certaines matières semblent déconcertantes de facilité, d’autres… opèrent un dur retour à la réalité. Tel est le cas de la seule matière d’analyse du semestre, qui était ainsi pensée facile par la promotion. Le premier cours d’une heure vingt suffit pour changer l'état d’esprit des étudiants, face à un programme assez technique, et surtout expédié à la vitesse des classes préparatoires. Rapidement, des étudiants se sentent largués — alors que cela ne fait que quelques jours que nous sommes rentrés. L’heure est d’ores-et-déjà aux remises en question…

Le semestre de tous les dangers

Ce semestre 4 est aussi préoccupant en raison de toutes les échéances qui arrivent ou vont arriver, pour un certain nombre d'étudiants. Ceux qui souhaitent faire un stage durant l'été, et surtout ceux qui veulent faire leur troisième année d'études à l'étranger* …comme moi. Rendez-vous bientôt… doivent préparer des dossiers d’ici peu de temps, avec tout l’embarras administratif qui va avec. Les étudiants en parcours international sont ici particulièrement touchés, en raison d’une date butoir de rendu des dossiers qui arrive relativement tôt, puis de toute la paperasse qui suivra : visa, assurance, compte bancaire, logement, etc. Et à ce semestre complexe, il faut également ajouter les tâches de la vie quotidienne, la recherche d’un job étudiant pour une partie d’entre nous, ou le travail des matières transversales (théâtre, notamment). Bref, un bon semestre qui fait peur à plus d’un.


Mais cela ne va pas empêcher les étudiants de licence mathématiques de bûcher, de rêvasser, de flirter ou de profiter de leurs soirées. Tout du moins, pour le moment. Ce semestre quatre ne fait que commencer, et la légereté des cours pour le moment a fait en partie oublier les avertissements des premières heures. Chacun vaque à ses occupations en ce début de semestre, comme moi avec le congrès de la FUB, ou une étudiante en Erasmus qui profite de l’hiver pour skier dans les Pyrénées. Il ne faudra pas traîner : dans un mois, certains seront déjà en partiels — deux pour les étudiants en mathématiques théoriques. Et dans quatre mois, la liberté.

Orage sur Talence

Photographie d'Adrien
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