On change tout, et on recommence.

Le grand déballage.

Quand les résultats du semestre tombent

Qu’ils sont loin, les partiels que tous les étudiants craignaient, qui ont scellé le sort de treize semaines de cours de portail MISIPCG*. À l’Université de Bordeaux, la licence de Sciences et Technologies commence presque obligatoirement par un semestre dans un « portail », un mélange de matières pour pouvoir in fine se réorienter, peu importe ce que l’on a précisé sur Parcoursup. Ils sont au nombre de deux : MISIPCG [Mathématiques, Informatique, Sciences pour l’Ingénieur, Physique, Chimie, Géosciences] et SVSTC [Sciences de la Vie, Sciences de la Terre, Chimie]. À cela s’ajoute la licence MIASHS [Mathématiques et Informatique Appliquées Aux Sciences Humaines et Sociales], qui ne passe pas par un portail. Désormais, les étudiants pensent au second semestre Image d'illustration On change tout, et on recommence. Les partiels finis, l’heure est déjà venue de reprendre les cours, et d’enchaîner avec le deuxième semestre. Et de tout recommencer. , à leur mention de licence, et ont redécouvert — quoiqu’ils ne l’avaient jamais perdu — le plaisir d’être étudiant, loin des examens. Ces derniers n’étaient pourtant qu’il y a un mois Image d'illustration L’heure des partiels C’est le passage obligé à l’université : les partiels sont le moment damné, redouté, où tout peut se jouer. De quoi bien faire stresser. , en cette mi-février, après des vacances passées à réviser une dizaine de matières différentes. Mais dès le lendemain, tous ont oublié ce qu’ils avaient appris les quatre mois qui ont précédé, pour se concentrer sur ce qui les intéresse réellement, que ce soit mathématiques, physique ou encore électronique.

Les étudiants n’en restent pas moins attentifs à leurs notes. Et elles se font attendre.

L'orage arrive sur la faculté. (il faut bien illustrer…)

L'orage arrive sur la faculté. (il faut bien illustrer…)

De longue haleine

À l’issue des examens passés à la mi-janvier, les étudiants se sont répartis dans différentes mentions de licence, différents cours, et ont déjà commencé les enseignements. Déjà, les premières affinités se sont créées, et, parmi les étudiants dans le groupe du premier semestre, seuls ceux qui ont continué dans la même mention sont revus de temps à autre, dans l’enceinte de l’établissement. Ainsi, sur la quarantaine d’élèves dans mon groupe de TD au S1, une petite dizaine sont dans mes groupes de deuxième semestre, et quelques autres sont vus régulièrement dans les amphithéâtres ou au coin de la cafétéria. Les autres sont partis dans d’autres filières… ou partis tout court.

« Si vous êtes là, c’est déjà très bien ! »
 — Une maître de conférences, lors du premier cours à l’issue des partiels.

Un certain nombre d’étudiants est en effet probablement porté disparu depuis les examens. Impression d’avoir raté ses partiels, donc son année, abandon précoce ou attente d’un fatidique redoublement, les personnes ne sentant pas avoir réussi ont de nombreuses raisons de ne pas venir au deuxième semestre. À tort. Rattrapages, second semestre et compensations sont autant d’outils qui permettent de valider une année malgré des premiers partiels échoués. Mais la défiance de soi est parfois plus forte, ou tout simplement l’envie d’être réorienté.* À l’Université de Bordeaux, une réorientation externe (en IUT notamment) est possible… à condition d’avoir au moins 8/20 au premier semestre. Jusqu’à récemment, les étudiants n’ayant pas 8/20 au semestre d’orientation MISIPCG étaient réorientés de force, via un semestre de réorientation ou redoublement.

Trois semaines après la fin des partiels, les amphithéâtres se font déjà un peu clairsemés. Les résultats des examens, et avec la note du premier semestre, n’ont toujours pas été publiés, le jury (un comité d’enseignants décidant d’une harmonisation et/ou d’une modification des notes) ne se constituant que ce jour. Même si les étudiants ont la plupart du temps la tête dans les cours, la question de savoir quand seront publiées les notes revient souvent dans les conversations. Chacun va de son pronostic, à partir des estimations données par d’autres enseignants. En ce vendredi 15 février, la maître de conférences mentionnée plus haut vient couper les rumeurs :

« Les résultats seront publiés lundi, dans l’après-midi, sur votre ENT. »

Et surtout elle, responsable de la mention Informatique de la fac, cherche à rassurer les étudiants à l’approche de la date fatidique. Mentionnant la compensation, elle incite les étudiants à foncer sur le S2, où les étudiants qui viennent en cours ont souvent de meilleurs résultats qu’au S1, en raison de l’abandon des autres matières annexes qui ne font pas la mention de la licence. Mais également, et c’est important, à ne pas se concentrer sur la seconde session :

« Vous vous en foutez d’avoir une UE non validée. À part si vous avez eu 0 ou vous étiez absents. »

Les conditions d’obtention, d’acquisition et de validations d’un semestre sont relativement floues. De nombreux étudiants pourraient en effet être tentés de repasser des épreuves qu’ils n’ont pas validées, pour avoir un bon dossier ou une meilleure note. À double tranchant : la note de première session est alors abandonnée, et celle issue des rattrapages ayant lieu des mois après les cours du premier semestre peut être inférieure… au risque de “dévalider” son année.
C’est toute une logique qui doit être réfléchie en cas de non-validation d’un semestre, où il faut viser les matières à gros coefficient, tout en évitant de s’enterrer, la seconde session étant souvent (même si ce n’est pas officiellement mentionné) plus difficile que la première. La maître de conférences jure ainsi avoir vu plusieurs étudiants… rater leur année lors de la seconde session. Dilemme.

Lâcher de fauves

Lundi 18 février. Alors que la classe n’a pas cours de la journée, et que je suis bloqué dans un train touristique entre Lyon et Paris, les résultats du premier semestre sont publiés sur l’ENT [espace numérique de travail] de chacun.

Extrait de résultats du premier semestre.

Extrait de résultats du premier semestre.

Sur la page de « résultats et inscription seconde session », un tableau fait office de relevé de notes. À chaque UE, sa note, avec, quelquefois le détail pour chaque contrôle du semestre, la plupart du temps deux simples champs « Examen » (le partiel anonyme) et « CC » (le mélange du reste). À droite, la validation de l’UE, « Admis » ou « Non admis ». En haut de la page, une note, globale, sur 200 : celle du semestre. Et sur un deuxième écran… le rang de l’étudiant parmi la promotion. Voilà les informations lâchées aux étudiants.

Pour l’heure, pas de mail ou d’annonce, juste une communication par bouche-à-oreille, ou plutôt par canal Messenger, où les étudiants expriment leur étonnement sur la notation, demandent des notes d’autres pour pouvoir comparer… et ainsi déceler d’éventuelles injustices. Pas ou peu de plainte sur ses notes, plutôt d’abord de l’étonnement, à la vue de l’exigence ou de la tolérance sur la notation de certaines UE. À la grande surprise de beaucoup, le premier partiel de mécanique, jugé très difficile, a été conséquemment revalorisé (certains ayant 20 en n’ayant rempli que les deux tiers de la copie), tandis qu’un d’apparence plus simple a été plus sec.

Outre les partiels, la publication des résultats est également le moyen de connaître (enfin) les notes de certains oraux qui ne sont pas connus des étudiants. En effet, à l’inverse des notes des tests, DM et autres partiels intermédiaires qui sont (du moins, au département Sciences & Technologies de Bordeaux) redonnés aux étudiants, puis repris à des fins d’archives, les notes d’oraux et de travaux pratiques ne sont généralement pas donnés aux protagonistes. Ce lundi est alors l’occasion de souffler ou de s’énerver contre une notation sévère ou non sur des épreuves passées il y a déjà plusieurs mois…

Dégoût, colère, joie pour quelques-uns, les premiers sentiments à l’issue de la révélation sont mitigés, mais les étudiants gardent la tête sur les épaules. Enfin, la plupart, et dans les premières heures seulement, car « l’après » est plus dur moralement…

Eaux troubles

Dès le lendemain, la nuit portant peut-être conseil, colère et effroi disparaissent.

Ceux ayant eu leur semestre avec succès, avec plus de 12/20, ne se soucient ensuite plus du premier semestre. À quelques exceptions près, les notes sont vite oubliées, mais la moyenne retenue, des regrets subsistent mais sont vite aspirés par les cours du S2 qui suivent.

Pour les autres, c’est une toute autre ambiance qui commence. Après l’effroi s’installe vite un dépit, une résignation, qui mènent certains dans un mauvais mood. Pourquoi ai-je raté cet examen ? Suis-je si mauvais ? Aux questions globales s’ajoutent des calculs pratiques, sur la compensation et la seconde session : est-ce que je vais avoir mon année ? est-ce que cette note va me suffire ? Dans les jours qui suivent la publication des résultats, les habituelles discussions méridionales sentent la déprime. Les étudiants n’ayant pas eu de bons résultats veulent savoir pourquoi, demandent aux autres, se résignent et cherchent du soutien moral. La peur de ne pas valider l’année se ressent. Les étudiants se serrent un peu les coudes, mais le chamboule-tout dans les groupes de TD empêchent une réelle empathie entre étudiants qui ne se connaissaient pas à cette période. On cherche à rassurer, en rappelant que maintenant les étudiants ont abandonné les matières qu’ils ne voulaient pas, souvent les moins réussies. Et à passer à autre chose.

Malheureusement, la réalité en rattrape certains. Le choc du premier semestre même pas passé, les étudiants en filière sélective (parcours international, cursus master ingénierie) n’ayant pas ou sur le fil 11/20 au premier semestre reçoivent déjà le courroux des Responsables.
Afin de ne pas « faire honte à l’Université » à l’étranger, les étudiants devant y partir doivent en effet avoir leur L1 avec plus de 11/20 de moyenne, sous peine de se voir éjectés du programme.
Dès le lundi soir, un mail, envoyé par la responsable du parcours, rappelle avec une cruelle sobriété cet objectif, et vient alimenter le feu de l’enfer pour les étudiants doutant d’eux-même. Une autre problématique se dessine alors : étant donné que les matières avec une note supérieure ou égale à 10 ne peuvent être repassées, le seul moyen d’avoir une moyenne d’année de 11… est de rattraper tout sur le semestre 2…

Le doute s’installe

Il y a toutefois un autre moyen de gagner des points : vérifier que le correcteur ne s’est pas trompé. À l’Université, la vérification des copies est permise pendant un an à l’issue de l’épreuve. Nombreux sont ainsi ceux qui vont demander à consulter leur copie, pour déceler le moindre demi-point oublié, qui peut coûter cher. Et il faut faire vite : la contestation des notes, elle, n’est possible que durant 15 jours… vacances comprises. Ce qui, dans la pratique, ne laisse qu’une misérable semaine pour remplir les formulaires…

C’est ainsi que certaines personnes, en demandant de voir leur copie (souvent par mail au professeur chargé de TD, qui recontacte ensuite l’enseignant correcteur), se sont aperçus d’erreurs et ont ainsi pu obtenir un, deux, voire trois points, qui avec les coefficients qui leur sont apportés, permettant de grappiller quelques dixièmes sur la note du premier semestre. La méthode est risquée, l’erreur pouvant aussi être négative… Un étudiant a ainsi failli perdre un point en demandant sa copie, le correcteur ayant compté double une question.

« Je viens de voir qu’[il] avait 6 et non 7. Veut-il toujours voir sa copie ? »

A contrario, il y a des personnes pour qui la contestation est presque obligatoire. Plusieurs étudiants ont vite déchanté en voyant des « 0 » à des examens où ils étaient malades, les justificatifs n’ayant pas été pris en compte par l’enseignant. Malgré le fait que l’erreur soit humaine, s’installe de la colère dans la tête des concernés, surtout pour ceux qui passent sous la moyenne à cause de cela… Là commence un petit parcours du combattant pour arriver à justifier l’absence, des semaines voire des mois après celle-ci. À force de formulaires et de mails, certains arrivent à leurs fins, le responsable ayant juste oublié de cocher une case. Pour d’autres, ce dernier se fait plus pointilleux, ayant perdu le papier ou faisant le reproche de ne pas l’avoir signalé plus tôt. La procédure pour justifier une absence dépend en effet du type d’examen oublié, selon que le justificatif soit à donner à l’enseignant, au service scolarité ou à un guichet unique. Une erreur de transmission, un oubli, est vite arrivé… au grand dam d’étudiants n’y étant pour rien. Les vacances arrivant, la contestation doit se faire au plus vite, énième source d’anxiété pour les concernés.

Le rang de la fortune

Outre les notes, une autre information est présente sur le dossier de l’étudiant : son rang, dans la promotion comparable. Pour la grande majorité des étudiants, cette information n’a aucune utilité, à part enterrer ceux qui sont déjà au fond. Les étudiants en tête de liste peuvent se congratuler s’ils le souhaitent… tandis que dans le groupe d’étudiants à formation sélective, où le rang n’est donné que parmi ces derniers, une chasse à l’homme s’organise pour débusquer l’étudiant ou l’étudiante major de promo.

Le titre de « major de promo » désigne l’étudiant ayant eu la meilleure note finale de la promotion. Le titre est tout à fait officieux, n’est alimenté que par les étudiants (pour l’instant) et ne sert qu’à se vanter, mais celui-ci est un « objectif » pour certains jeunes venant de milieux où l’on encourage à se donner à fond. Parfois à déraison : lors d’un amphithéâtre, une amie me confiait viser la majoration, « car c’est normal » de chercher toujours plus haut… avant de se retrouver au milieu du peloton, en fin de compte.
Cet objectif, quelque part malsain dans la façon de chercher à se battre contre les autres, est le reflet de ce que l’Université n’est pas : élitiste. Seuls quelques étudiants en filière sélective, venant de lycées huppés, ont cherché la majoration. Dans « le reste », la mention du major de promo n’existe pas, ou alors dans le but de se moquer… de ceux qui la cherchent.

Néanmoins, chercher les meilleures notes à la fac n’est pas sans utilité — et je l’ai appris à mes dépends. L’Université de Bordeaux propose en effet à ses cinq meilleurs étudiants par portail un « stage d’excellence », un stage d’un mois en laboratoire, pour « donner l’occasion [aux] meilleurs étudiants de se confronter très tôt au monde de la recherche scientifique ». Le dispositif existe depuis de nombreuses années, mais n’est connu de pratiquement personne à la fac : quel fût ma surprise ainsi, lorsque j’ai découvert un mail de la direction licence, deux semaines après la publication des résultats (le fameux délai réglementaire de contestation) me proposant ainsi ce stage.

L’objectif, non affiché mais compréhensible, pour l’Université est d’attirer les “pépites”, les meilleurs étudiants, dans les hauts milieux, pour peut-être leur donner goût à la recherche et les inciter à faire un doctorat. C’est pourquoi ce stage est rémunéré : de base, tout étudiant peut demander à faire des stages, mais il ne peut prétendre à gratification que par l’employeur pour ceux de plus de deux mois. Ici, l’Université couvre également les frais liés à un mois supplémentaire à Bordeaux… pour compenser le mois de repos et attirer vers ce stage les pépites.

…et la vie continue

Les vacances passées, les étudiants ont pu réfléchir et se changer les idées après la publication des notes. Les injustices les plus fragrantes ont été corrigées ; les incompréhensions ont souvent pu être levées par la consultation des copies, quand bien même certains restent aigres.

Désormais, les étudiants ont un nouvel objectif. Pour ceux ayant réussi leur premier semestre, il est de rester dans le même état d’esprit et de note ; pour ceux, nombreux, n’ayant pas validé le premier semestre, pouvoir compenser avec le second sans passer par la case rattrapages. Car la seconde session n’aura lieu qu’à la fin juillet et début juillet, six mois après les derniers enseignements du premier semestre. Tous les étudiants savent à quel point il serait compliqué de revenir sur les matières enseignées au premier semestre et oubliées depuis. La simple mention d’une notion de mécanique au milieu d’un cours de mathématiques par un enseignant malicieux fait se soulever une bronca de haine et de désespoir, tant les étudiants ont déjà oublié et ne souhaitent pas revivre ces matières mal aimées. Pourtant, si le semestre deux ne réussit pas à compenser le premier, ce seront bien les matières oubliées et ratées par les étudiants, celles du premier semestre, qui permettront de rattraper l’année.

D’ici là, une échéance, beaucoup plus proche, pointe le bout de son nez : les partiels intermédiaires du deuxième semestre. Six semaines après avoir commencé ce dernier, nous sommes déjà, en cette mi-mars, aux trois-quarts de l’année. Le temps passe vite, les étudiants n’ont même pas eu le temps de se remettre dans le bain, qu’arrivent déjà les nouveaux examens. Pour tous, l’heure est venue de se replonger dans les cahiers… pour tenter de décrocher son année.

Photographie d'Adrien
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Pensez printemps, étudiants !