Une journée en forêt

Parc national de Söderåsen

Nous sommes le 31 octobre 2020, et alors qu’une grande part d’enfants est très certainement frustrée de ne pas pouvoir fêter Halloween comme il se doit en raison de la pandémie à coronavirus, et que de nombreux parents doivent être désespérés à l’annonce tout juste venue d’un reconfinement en France… la Suède fête en ce samedi la Toussaint, Alla helgons dag, commémorant les défunts. En effet, ici la Toussaint ne se fête pas à date fixe, mais la veille du premier dimanche du mois de novembre. Comme cette année, novembre débute par un dimanche, la Toussaint coïncide donc cette année avec la fête d’Halloween du mois anglophone.

Et quoi de mieux que ce jour férié pour aller se balader en forêt, me direz-vous ! Le temps est gris, et le temps de ces derniers jours a été propice aux champignons… alors, peut-être en trouverai-je ?

C’est ainsi que je me suis dirigé en ce jour vers le parc national de Söderåsen, en Scanie, pour une balade dans une forêt bien entretenue, et pourquoi pas me perdre par-delà les sentiers battus…

Le chemin menant au parc national de Söderåsen, couvert de feuilles rouges.

Un espace protégé

La Suède sancturise ses espaces naturels depuis des années déjà. Les réserves naturelles (naturreservat) couvrent d’après l’office suédois de la statistique 11 % de la surface du pays ! Dans celles-ci, il est souvent interdit de camper en dehors des zones prévues, ou d’accéder à des zones spécifiques aux animaux.

Les espaces les plus importants sont déclarés parcs nationaux. Ils sont au nombre de 30 en Suède, représentent 1,6 % de la surface du pays, et ont tous leurs particularités : de l'île sableuse et protégée de Gotska Sandön aux montagnes laponaises d’Abisko, des sommets rocheux de Skuleskogen aux grottes impénétrables de Vadvetjäkka. Söderåsen est un de ses sites. Il est remarquable pour sa topographie, avec une vallée entourée d’immenses collines boisées. Le site détonne en Scanie, terre très plate. Wikipédia m’apprend ainsi que le parc est situé sur un horst, un « compartiment soulevé » géologiquement, d’où cette élevation si importante ! Mais aussi et surtout car il est vestige d’anciens volcans, formés il y a des millénaires, et dont subsistent encore des roches volcaniques voire un reste de volcan (même si j’ai bien du mal à le voir !).

Ainsi, Söderåsen est un parc national, et les restrictions y sont donc plus importantes qu'à l’accoutumée. Par exemple, ici le ällemansrätten, le droit d’accès à la nature, ne s’applique pas : interdiction de camper ou d’allumer du feu en dehors des zones prévues à cet effet ! Interdiction formelle aussi de ramasser des baies, ou des champignons sur les troncs d’arbres (j’ai appris par ailleurs que cela avait un nom : les champignons lignicoles), qui d’après la documentation fournie, contribue au cycle de la forêt. C’est plus globalement quelque chose que j’ai constaté de nombreuses fois dans ces réserves naturelles en Suède : les garde-forestiers et autres propriétaires de bois classés préfèrent laisser la forêt se gérer d’elle-même. Les arbres morts ne sont pas coupés, les troncs tombés ne sont pas enlevés, et dessus y poussent ainsi de jolis champignons platoniques, ou s’abritent de nombreuses espèces d’insectes.

La forêt propre de Söderåsen, avec un lit de feuilles rouges et des troncs de gros arbres feuillus. Tout n'est pas aussi propre…

Lacs et sentiers battus

C’est ainsi que ce parc a conservé sa grandeur, et s’est rêvetu pour la Toussaint des magnifiques couleurs de l’automne. Je suis parti pour une randonnée de la journée — ou tout du moins jusqu'à 17 h, le changement d’heure venant de réduire drastiquement les horaires d’ensoleillement l’après-midi —, en partant de l’entrée sud du parc. Au programme, une petite dizaine de kilomètres, avec mon pique-nique et un joli panier pour ramasser de potentiels fongi que les précédents randonneurs n’auraient pas ramassé…

Je commence cette balade et arrive déjà au lac Odensjön, petit lac formé par . On peut y pécher, faire un barbecue, ou contempler les restes des abysses volcaniques, et ces roches qui sont presque comme écroulées… Les hauteurs de la forêt voisine permet de s'élever et de profiter d’une vue plongeante sur le lac, et les nouveaux arrivés.

Beaucoup plus loin, je m’arrête manger mon en-cas dans un abri, alors que la pluie commence à battre. Quoi de mieux pour la Toussaint que de se promener dans un bois sombre et pluvieux, aux couleurs de l’automne !

On se plait à se promener dans les bois, sur des sentiers plus ou moins goudronnés, voire sur des chemins juste formés de planches pour passer au-dessus d’un cours d’eau qui ruisselle des hauteurs jusqu’au lac. Les sentiers sont plutôt bien jalonnés, et récemment des poteaux numérotés ont été installés tous les cents mètres pour quadriller le parc, afin de faciliter la géolocalisation de personnes qui auraient besoin d’urgence, ou de se retrouver.

Perdons-nous dans les bois

Je continue ma vadrouille dans le parc, et sort quelque peu des sentiers battus pour tenter de trouver des champignons. La forêt est grande… et c’est sans trop de surprise que je finis par me perdre dans les bois, entre deux arbres, dans ma quête de trouver des champignons. Une chose est sûre : les champignons des troncs sont légions ! Entre les troncs à terre sur lesquels poussent des espèces jaunes ou blanches, et les nombreux arbres qui arbitrent des polypores en tout genre, on ne se lasse pas de ces vues, qui offrent à donner de jolies photographies.

Ci et là, je découvre aussi des champignons que je connais pas, et sur lesquels je préfère m’abstenir… ou, sur une zone déjà râtissée, des amanites, ces champignons hallucinogènes rouges et blancs, dont je suis pour le coup au courant de la toxicité. Je m'étais tout de même un peu renseigné la veille, pour ne pas prendre de connerie…

Des champignons jaunes sur une branche d'arbre moussue tombée par terre.
Des champignons en forme de bouche, noirs, sur un tronc d'arbre vivant.
Un champignon rouge et blanc, pas comestible, par terre.

Petit peu pour les mycologues : saurez-vous deviner ce que sont ces champignons ?

Au final, je n’aurais rien trouvé de comestible, et repartirai bredouille. Mais ce n’est pas grave tant l’on s’envoûte par les paysages, notamment ces transitions de biomes assez étonnantes entre forêts décidues de feuillus* Ceci est la traduction de broad-leaved deciduous forest. Peut-être qu’un connaisseur pourra me corriger ! et des zones beaucoup plus moussues et humides, entourées de ce que je crois être des pins.

Transition entre à droite une forêt de feuillus dont les feuilles rouges sont déjà au sol, et à gauche une forêt de spruces au parterre vert couvert de mousse.

Le Soleil finit par se coucher peu à peu derrière les nuages, et je ne suis toujours pas rentré. Il n’est même pas 16 h, mais au final la lumière se fait déjà de plus en plus rare. Je presse le pas pour ne pas rester bloqué dans une forêt inconnue la nuit — ce qui aurait été un beau scénario pour une soirée d’Halloween… Sur la fin de mon trajet, je passe tout de même par Hjörtsprånget, une petite falaise sur laquelle il ne faut pas avoir peur de tomber, pour tenter de découvrir l’un des pittoresques points de vue du parc. Manque de bol : un épais brouillard s’est formé en raison de la température qui est tombée… et la photo est quelque peu moins intéressante.

En rentrant, par l’entrée principale, je profite de la magnifique vue sur la vallée depuis le lac de Skärdammen. Des gens arrivent à peine, et vont vraisemblablement se promener ici pour Halloween ou la Toussaint. Surtout, je découvre le passe-temps favori des Suédois, qui s’avérera vrai tout au long de mon année en Erasmus : le barbecue. Il est 16 h, il pleut, il fait gris, la nuit tombe, et des Suédois allument un barbecue en pleine forêt (sur les emplacements prévus à cet effet). Pas de doute, nous sommes bien en Suède !

Un photographe se prépare à prendre un photo de la vallée depuis le bord d'un lac. À côté de lui, un groupe d'amis mange sur un banc, avec comme vue ce lac, où un brouillard mystifie l'atmosphère.

Pour accéder au parc national de Söderåsen depuis Lund, prenez le train jusqu'à la station Stehag. Un bus de la ligne 518 attend les passagers quelques centaines de mètres en contre-bas, où vous pourrez descendre à l’arrêt Röstånga pour l’entrée sud du parc, ou Skäralid Nationalparken pour l’entrée principale.

Photographie d'Adrien
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