Le camp des réfugiés des covid-sceptiques

J'ai testé pour vous… les tests Covid en Suède

PCR mon ami

Après un séjour à Stockholm de cinq jours à la mi-avril, j’ai eu la chance de devoir m’isoler et avoir à passer un test PCR. J’ai en effet séjourné dans le City Backpackers Hostel Image d'illustration Le camp des réfugiés des covid-sceptiques En pleine pandémie, une auberge de jeunesse sert de camp de refuge pour les jeunes de toute l’Europe souhaitant s’affranchir des règles sanitaires. COVID assuré… , auberge de jeunesse renommé dans la capitale qui s’est transformée durant la pandémie en camp de réfugiés des fuyards du Covid… et en méga-cluster ambulant, les résidents étant là pour se libérer des contraintes sanitaires, et vivant une vie sans penser à la pandémie. Un cas positif ayant logé à l’auberge jusqu'à plus tôt dans la semaine, et les gens ayant vécu avec lui ne souhaitant pas s’isoler ou se faire tester (« Imagine, tu es positif ! » dira l’un d’entre eux…), j’ai pris le parti de me considérer cas contact (même si je ne l'étais pas officiellement directement), et de mettre à l’isolement pour quelques jours en attendant de me faire tester.

En France, il aurait été simple comme bonjour pour moi d’effectuer un test PCR. Il m’aurait suffi d’aller dans l’une des centaines de centres de tests, la plupart du temps sans même un rendez-vous, de montrer ma carte Vitale et d’attendre les résultats du test, avec certificat, dans les 36 heures suivant le test, parfois même le soir-même. Le tout gratuitement, même si j’avais été étranger, et sans limite ou quota aucun.

Mais je ne suis pas en France. En Suède, la stratégie de test est étrange. Les Suédois doivent se tester… eux-même, à partir de kits clés en main à déposer par la suite en pharmacie, avant de recevoir un résultat sur leur espace numérique personnel. Mais je ne suis même pas Suédois… et la tâche est encore compliquée pour moi. En Suède, la politique de dépistage du COVID-19, c’est celle de l’autruche.

Une biche sauvage broute de l'herbe près d'un tracteur, sur l'île de Grinda, dans l'archipel de Stockholm.

Oui, ceci n'est pas une autruche… mais je voulais illustrer cet article avec un animal sauvage. Lui ne risque pas d'attraper le Covid…

Pour les Suédois… un autotest

La Suède a choisi une politique de tests relativement étrange.

Pour se faire tester de manière classique, il est nécessaire de posséder un personnummer, le fameux numéro d’immatriculation suédois, que tout habitant, Suédois ou résident pendant au moins un an, reçoit dès la naissance et va identifier la personne jusqu'à sa mort. Ce sésame, dont je reparlerai bientôt tant il est nécessaire dans la vie quotidienne en Suède, est nécessaire pour s’identifier sur le site de 1177, le numéro des non-urgences en Suède. C’est sur cette plateforme que tout un chacun peut commander un test… à faire retirer par un proche dans la pharmacie la plus proche.

Et oui : en Suède, on ne teste pas, on se teste. Contrairement à la France ou à l’immense majorité des pays, le test des Suédois ne se passe pas en laboratoire. Pourtant, c’est bel et bien une PCR classique… mais c’est bien au potentiel malade de se le faire lui-même. Dans le kit de self-test* Note du traducteur
On pourrait traduire selftest par « auto-test »… mais à ne pas confondre avec les autotests dont on commence à entendre parler en France, qui sont des tests qui indiquent d’eux-même le résultat. En Suède, seul le prélevement est fait soi-même.
: un écouvillon, une assiette ou boîte circulaire en plastique, et un scellé.

Le principe pour les Suédois, d’après la notice :

  1. Passer l'écouvillon au fond de la gorge jusqu’au réflex vomitif ;
  2. Introduire le même écouvillon dans le nez au plus profond possible ;
  3. Cracher dans l’assiette en plastique, et rouler le même écouvillon dans sa salive ;
  4. Sceller l'écouvillon dans un sachet plastique hermétique, puis le faire déposer dans un provtagningsplats, un site de collecte des prélèvements, ou une pharmacie.

Le résultat est ensuite disponible dans les trois jours sur le site 1177.se, sans certificat officiel permettant de voyager. Pour ceux souhaitant quitter le pays… il faut passer par une clinique privée. Tout un business parallèle de tests s’est élaboré dans le pays, avec des prix pharaoniques, d’au moins 150, souvent 200 à 300 euros, voire parfois plus.

Souffre en silence

Problème : je n’ai pas de personnummer, et n’est donc pas accès à la plateforme 1177.se. En effet, les étudiants en échange, ne restant pas au moins douze mois, n’ont pas droit à un personnummer, et ne sont pas reconnus comme résidents en Suède. Pour moi, le test passe par… les cliniques régionales, qui elles seules jugent de l’intérêt de me faire tester.

Un peu d’explications sur le système de santé suédois. En Suède, on ne va pas chez son médecin traitant comme ça. Ceux-ci sont généralement regroupés dans des cliniques gérées par les régions (qui ont la main sur la politique de santé en Suède), les Vårdcentralen, qui redirigent ensuite vers des spécialistes, etc. Quand on est malade, les Suédois sont comme les Britanniques : il est généralement recommandé de patienter, à la limite de prendre du paracétamol, et de ne voir de médecin que si cela ne passe pas après quelques temps. Aller chez le médecin passe de toute façon nécessairement par un rendez-vous, qui est placé au moins deux ou trois jours après l’appel, afin d'éviter d’aller chez le médecin au moindre rhûme. Le très bon site La Suède en Kit écrit :

En cas d’état grippal ou fébrile dû à un gros rhume, en cas d’infection de votre système digestif genre gastro-entérite, inutile de chercher un centre de soin, on ne vous recevra pas, sauf si votre fièvre dure plus de 3 jours. N’hésitez pas à accentuer la gravité de vos symptômes au téléphone afin d’obtenir plus facilement un rendez-vous…

Et même là, les docteurs sont réputés pour ne pas donner beaucoup de médicaments. Le tout couronné d’un système permettant de poser un congé maladie de cinq jours dès les premiers symptômes, sans certificat médical. Bref, comme l’indiquait une Suédoise âgée de 76 ans dans l’article sur l’auberge des fuyards du Covid :

« Le système suédois est parfait, oui — mais pour les gens en bonne santé. Pas pour ceux qui en ont besoin. »

Pour les non-Suédois… la galère

Si j’explique cela, c’est car après avoir téléphoné au 1177, le numéro des non-urgences en Suède donc, et après avoir un instant… vérifié la politique de test de ma région, la Scanie, j’ai été redirigé vers une Vårdcentral pour demander un test PCR. En précisant bien que je suis cas contact. Il faut également savoir que, comme précisé, la politique de test dépend des régions… et que la Suède n’a pas une capacité de test immense, comme la France. Selon là où on est, il peut être plus ou moins facile d’accéder à un test — car certaines régions ont des politiques de tests plus strictes ou ouvertes que d’autres.

Commence mon épopée avec la Vårdcentral. J’appelle un mardi, 15 h 30… mais il est déjà trop tard.

« De nombreuses personnes nous ont appelés aujourd’hui, et nous n’avons plus de créneau téléphonique à proposer. Appelez le 112 en cas d’urgence, sinon rappelez au prochain jour ouvré ! »

Ce n’est pas une blague : téléphoner au standard d’une vårdcentral permet de convenir… d’un rendez-vous téléphonique. Tout cela, pour obtenir un rendez-vous pour effectuer un test Covid. Rebelote dans une, puis deux vårdcentralen… après une demi-heure d’appel, je me fais finalement accepter sur une vårdcentral. Rendez-vous programmé… cinquante minutes plus tard.

« Nous avons réservé un créneau horaire pour 16 h 25. Nous vous rappellerons à ce moment-là. »

Après avoir expliqué ma situation, j’obtiens finalement de me faire tester le lendemain, à 8 h.

Une porte avec une inscription Mottagningsrum, alias salle de réception.

« Salle de réception : patientez ici. »

Le test est alors comme la PCR que j’avais effectué en août en France, juste avant mon départ en Suède* Partant en train en Europe, j’avais préféré effectuer un test, même s’il n'était pas demandé… pour éviter de devenir potentiellement un superspreader, un méga-contaminant, en Europe. , à la différence près que l’infirmier enfonce l'écouvillon pendant une bonne dizaine de secondes, là où le test fait en août 2020 en France n’avait duré que quelques instants. Et toujours la petite larme qui sort à l’issue du test :')

Les résultats du test sont à récupérer le lendemain après-midi. Pas de mail, pas de certificat de négativité (qui pourrait alors servir pour ceux qui souhaitent voyager !) : non, je dois alors rappeler la clinique (qui me pose un rendez-vous à 13 h pour un appel effectué à 10 h 30 !)… afin d’apprendre que je suis négatif. Et c’est tout. Aucun papier ne prouvera celà, pas même une trace écrite de mon test.

Rebelote…

Léger problème, quand ce week-end je commence à développer des symptômes annonciateurs de la COVID-19… Je contacte donc dès lundi la même clinique, pour effectuer un nouveau test. Mais le fait que j’ai effectué un test cinq jours plus tôt n’incite pas l’opératrice à accepter ma demande. C’est après la description détaillée de la chronologie de mes symptômes que l’on décide de me tester… deux jours plus tard. Il semblerait que les cliniques, qui ne testent du coup que les personnes ne pouvant pas réserver d’autotests, n’aient pas une capacité de tests immense et préfèrent regrouper ceux-ci.

La suite est plus triviale : deuxième passage dans la mottagningsrum, avec un test beaucoup plus court cet été, peut-être trop… mais qui aura été positif. Là aussi, la preuve de la positivité de mon test… est un appel téléphonique. Et à la question de savoir de quel variant j’ai été contaminé, la réponse est… « Je ne sais pas. » Pratique !

À vrai dire, j’aurai bien aimé avoir un certificat de test positif, afin de ne pouvoir me dispenser de tests PCR réguliers dans le cadre du futur pass sanitaire européen. Une preuve de rémission de la maladie devrait en effet être suffisante pour être dispensés des tests nécessaires au changement de frontière, à l’accès dans de grands événements, ou au Danemark à l’entrée dans tout établissement non essentiel, par exemple. Mais pour l’heure… je suis à l’isolement, pour neuf jours.

Différences culturelles

Enfin, concernant la quarantaine des personnes infectées par le coronavirus, deux grandes différences séparent la Suède de la France. La première est la durée d’isolement. Une jolie fake news partagée ces derniers jours sur les réseaux sociaux affirmerait que la Suède a déclaré les tests PCR inutiles car ne sachant pas différencier malades actuels des malades passés. C’est bien évidemment faux, la Suède continuant d’effectuer des tests PCR pour déterminer les malades du Covid… mais le raisonnement derrière est vrai : Folkhälsomyndigheten, l’agence de santé publique suédoise, a en effet en avril 2020 considéré que les tests PCR peuvent conduire à des positifs, alors que le virus n’est plus actif, ne subsistant que ceux neutralisés par le système immunitaire. Ainsi, le critère pour sortir d’une quarantaine en Suède n’est pas un second test PCR, mais le fait d'être sans fièvre pendant deux jours d’affilée, après au moins une semaine d’isolement suite au test positif. Me voilà donc parti pour au moins neuf jours d’isolement. En France, le gouvernement a fait longtemps fluctuer la période de quarantaine : d’abord de 14 jours, puis passée en septembre à 7 jours pour des raisons liées à l’isolement psychologique des testés positifs, avant d'être remontée en février à 10 jours, suite à l’apparition des nouveaux variants… comme si on jugeait à la louche le nombre de jours nécessaires afin de ne plus être contaminant.

La deuxième différence, qui là aussi doit être une spécificité suédoise… est que l’isolement n’en est pas un. Certes, il est clairement ordonné dans les recommandations de ne pas aller au travail, de ne pas participer à des activités collectives, ou de se faire livrer ses courses. Mais contrairement à de nombreux pays, rester chez soi n’est pas une obligation. Et contrairement à la France-même… ce n’est pas non plus une recommandation.

« Conformément à la Loi Suédoise sur les Maladies Contagieuses, les personnes infectées d’une maladie contagieuse ont un devoir de protection. Durant la durée de votre contagiosité, vous ne devez pas rencontrer d’autres personnes que celles de votre logement, et vous ne devez pas prendre les transports en commun. Vous pouvez passer du temps à l’extérieur tant que vous gardez vos distances avec les autres personnes. Vous devez informer vos proches, les personnes avec qui vous avez eu un contact rapproché (tels que le personnel soignant) que vous avez contracté la COVID-19. »
— Document remis aux personnes infectées par la COVID-19, en Scanie.

La participation au contact tracing est également une obligation légale.

Ainsi, les autorités sanitaires n’interdisent pas de se déplacer à l’extérieur, même en tant que malade, tant que l’on reste seul. Diverses études contradiront vraisemblablement l’absence de contagiosité à l’extérieur — mais la Suède privilégie quant à elle l’impact psychologique sur la santé mentale des malades, notamment lors d’une quarantaine qui peut s’avérer longue… À la décharge de la Suède, on pourra rappeler également la faible densité de population du pays, et le droit d’accès à la nature, liberté constitutionnelle de se mouvoir dans les terres : d’aucuns pourrait juger en Suède qu’imposer l’isolement aux malades serait contrevenir à cette liberté fondamentale… ; je jugerai plutôt qu’il y a énormément d’espaces verts, de champs, de forêts dans lesquelles les malades peuvent se déplacer sans risquer de croiser du monde.


Me voilà donc positif, et à l’isolement pour une dizaine de jours au moins. De quoi me laisser le temps… d'écrire la quarantaine d’articles que je n’ai eu le temps de commencer durant ces huit premiers mois de mon Erasmus 😅

Photographie d'Adrien
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